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Ce document retrace la vie de l’Aspirant

 

Camille GIRARD

 

du  1er Régiment de Chasseurs d’Afrique.

 

 

Engagé volontaire au Maroc en janvier 1943, il fut mortellement blessé au combat de  

 

SIGOLSHEIM  le 19 décembre 1944, à l’âge de 20 ans.

 

A la tête de son peloton de chars, il avait pris le dernier village avant Colmar.

 

L’infanterie américaine  ne  l’avait, hélas, pas soutenu…

 

 

Il a été écrit : « Si cette attaque avait réussi, il est

très  possible  (voire vraisemblable)  que la guerre aurait pu  finir  plusieurs  semaines  plus  tôt ».

                            

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  Ainsi, dès leur enfance les petits alsaciens mêleront aux noms familiers du vieux village, le nom d’un jeune français d’Afrique qui, à la fidélité de l’Alsace douloureuse, répondit par le sacrifice de sa vie, symbole de la fidélité des français d’outre-mer à la province martyre.

du Livre d’or du lycée Gouraud de Rabat.

 

 

 

 

 


 

HONNEUR  A  SES  CAMARADES  DE  COMBAT  A  L’ATTAQUE  DU  VILLAGE  DE  SIGOLSHEIM

 

1er  R.C.A.    2éme ESCADRON    1er PELOTON

 

19  DECEMBRE  1944

 

 

 

 

 

 

CAMILLE   GIRARD

 

 

1924 - 1945

 

 

 

 

 

 

 

portrait double

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

PAGES

 

 

               Couverture

               Préface

          Portraits

               Sommaire

 

           Sa vie

            Citations

     3°       Cartes des combats

            SIGOLSHEIM  19.12.44    Plan d’attaque

           En ordre de combat

             Livre 1er R.C.A. 1832-1964

            Journal des marches et opérations du 1er RCA

             Ecoute radio du combat

            Gal René Chambe.   ‘Le 2éme Corps attaque …’  Campagne d’Alsace 1944-1945

    10°       Maxime Felsenstein, alias capitaine Favereau

    11°       Journal de route de la 5 éme D.B.

    12°       2 photos: sortie Est de Sigolsheim   et   Char « Fort de France »

    13°       Témoignages

    14°       Porté ’’Disparu’’

    15°       Bad Harzburg

    16°       Lycèe Gouraud de Rabat.   Livre d’or

    17°       Commémorations à  Sigolsheim

    18°       Henri Hobel.    ‘Leur sacrifice nous a permis de vivre’

    19°       Baptême de promotion,  Ecole d’Infanterie à Montpellier

    20°       Baptême de promotion,  Ecole de Cavalerie à Saumur

    21°       Baptême de promotion, Canjuers 2017

    22°       Inauguration à  Cussac  Fort Medoc

    23°       Extraits de lettres à sa famille

    24°       Le Chant des Africains            

    25°       Au pied des sapins de neige

    26°       Le Général de Lattre de Tassigny                                          

    27°       Bibliographie                                          

                                                                                          

Guy GIRARD

Michel BOUVARD

Nicolas KOSINSKI

Emmanuel BOUVARD

Sandrine GIRARD

Olivier PEETERS

 

http://cgirardsigolsheim.free.fr/

email : gus.girard@orange.fr

 

 

 

 

 

 

 

SA  VIE

 

 

 

 

Camille, Henri, Georges naît le 23 mars 1924 à la Maternité Maréchale Lyautey à Rabat (Maroc).

Il fera toutes ses études au lycée Gouraud de Rabat.

En octobre 1941, il entre en 1ère Supérieure. Il désire préparer, avec une Licence de Lettres Classiques, l’entrée à l’Ecole Normale Supérieure.

Il obtient le Certificat de Littérature Française en 1942.

A cette époque, il sent mûrir sa vocation religieuse qui le porte vers les Frères Prêcheurs. Il approfondit sa foi et entretient des relations épistolaires avec des Supérieurs Dominicains.

 

8 novembre 1942 : débarquement américain au Maroc.

 

 

     L'ENGAGEMENT – LA GUERRE

 

Camille décide de devancer l'appel et s'engage pour la durée de la guerre le 15 janvier 1943, au 1er Régiment de Spahis de Rabat.

Désigné pour suivre les cours de l'Ecole Interarmes de Cherchell, en Algérie, il rejoint le 13 octobre. De la promotion "Libération", il en sortira brillamment (24éme sur 160) Aspirant le 29 mars 1944, et choisit de servir au 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique. Il est intégré au 2 éme escadron (chars moyens) sous les ordres du Capitaine Davout d’Auerstaedt.

 

Cantonné près d'Oran, il se morfond dans l'attente du débarquement en France. Enfin le 14 septembre 1944, il embarque à Mers-el Kébir dans un convoi de 40 « immenses bateaux à fond plat » remplis de chars et d’hommes.

 

Iles d'Hyères, la côte française! Débarquement le 21 au Drammont, près de St Raphaël. Toulon,  Marseille, remontée de la vallée du Rhône. Besançon le 17 octobre. 

A partir du 15 novembre le 1er RCA (5ème D.B. du Général de Lattre de Tassigny) sous les ordres du Colonel Bourgin, fait mouvement et arrive enfin au contact de l'ennemi.

Camille est chef de char.

Les blindés libèrent plusieurs villages : Lougres, Presentevillers, Dung et le 17 novembre, Montbéliard.

Le 21 novembre, Camille reçoit le baptême du feu dans la forêt entre Vellescot et Chavannes : "2 minen (obus de mortiers lourds) à 20 mètres. J'ai vu arriver quelque chose et aussitôt du bruit infernal, vent poussière flamme, j'ai été éraflé à la joue par un éclat. Mon chargeur blessé et un tué".

Le 22, attaque de Chavannes : "mon char s'enlise au moment de l'attaque…mais les boches me l'ont payé cher".

Le 23 : Magny, durs combats : 8 tués, 22 blessés dont 2 officiers. Chavanatte.

Le 25 : Camille prend le commandement du peloton du lieutenant Guerner, blessé le 24, et fait mouvement : Joncherey. Seppois. Riespach : entrée en Alsace !

Le 26 : Heimersdorf. Altkirch.

Le 27 : direction Uberkumen par Aspach. Spechbach -le-Bas. Eglingen. Hagenbach. (Il se souvient que son père était artilleur dans ce même secteur en 1916).

 

Nuit du 27 au 28 : 2 jours seulement après sa prise de commandement, Camille se distingue particulièrement en attaquant et libérant AMMERZWILLER, puis, dans l'après-midi du 28, GILDWILLER-sur-le-mont. Il obtiendra pour son action une citation à l'ordre du Corps d'Armée. Il écrit : "j'ai attaqué et pris avec mon peloton et une section d'infanterie, deux villages, dont un (Ammerzwiller) après 5 heures d'attaque de nuit. Heureux de m'être pas mal comporté pour mes premières armes. Ai eu félicitations du Colonel pour attaque de nuit, citée aussi en exemple par le Général". 6 tués, 7 blessés, 2 disparus. Fait 97 prisonniers.

 

Après ces dures journées, le régiment est mis au repos à Guevenatten, puis le 15 décembre, fait mouvement par les contreforts des Vosges : Hadol. Pouxeux. Jarmenil. Bruyères

Corcieux. Col du Plafond. Anould. St Léonard. Coinches, pour redescendre dans la plaine d'Alsace par le col de Ste Marie aux Mines, vers Ribeauvillé et Ricquewihr.

Les combats reprennent : Kientzheim le 17 et Kaysersberg le 18 sont libérés.

 

 

19 DÉCEMBRE 1944.  SIGOLSHEIM

 

Camille est désigné pour attaquer le village de Sigolsheim avec son peloton : 5 chars, 4 sous-officiers, 20 hommes. "Les petits gars sont vraiment épatants et sont tous gonflés à bloc (petits gars : il est vrai qu'un seul est plus jeune que moi!)". Il devra être appuyé par l'infanterie américaine (36ème DIUS)…

15 h 40 : à bord de son char "Fort de France", Camille commande l'attaque. Les fantassins américains chargés de nettoyer le village s'arrêtent aux premières maisons. Pour les entraîner, Camille déploie son dispositif, fonce et traverse tout le village jusqu'à sa sortie Est, face à la plaine d'Alsace. Les Américains ne suivent toujours pas.

 

17 h 16 : "je suis à la sortie du village, sans aucune infanterie et la nuit tombe". Les Allemands, voyant les chars sans protection, engagent la riposte. "Fort de France" est touché. Son équipage évacue le char. A pied, Camille est alors fauché par une rafale de mitraillette et tombe en poussant un grand cri. Ramassé par les Allemands, mis d'abord dans une cave avec d'autres camarades prisonniers, il sera emmené à l'hôpital de Colmar puis transporté en Allemagne par train sanitaire jusqu'à l'hôpital militaire de BAD HARZBURG (à 100 km au S.E. de Hanovre, à 600 km de Colmar) où il arrive le 6 janvier.

 

Atteint à la colonne vertébrale, paralysé, il meurt dans la nuit du 12 janvier 1945 à 0 h 15.

 

Il a 20 ans.

 

Camille est donc porté ‘disparu’ le 19 décembre. Commence alors pour la famille un douloureux chemin qui durera huit mois: "il est blessé"…légèrement …grièvement…il est mort…il est vivant…", témoignages de camarades rescapés et autres sources. Ce n'est que le 8 août 1945 que nous parvient l'annonce officielle de sa mort.

Grâce à Mme Boer (française veuve d'un allemand) qui habite Bad Harzburg, nous obtiendrons des renseignements précieux, bien que parfois incertains, auprès de médecin, infirmière, Curé allemands et de  prisonniers de guerre français pour lesquels elle était dévouée. L'un d'eux nous enverra une photo de la  tombe prise "sous le manteau".

Fin août 1947, sa famille se rendra sur sa tombe, non sans de grandes difficultés : Bad Harzburg est situé en zone anglaise, à 3 km de la zone russe.

Le 5 novembre 1949, le corps de Camille est ramené au Maroc où, à l'issue d'une cérémonie officielle, il est inhumé au cimetière de Rabat.

En 1957, lorsque ses parents quittent définitivement la terre africaine son cercueil sera transféré au cimetière de l'Est (35036) à Nice où il repose désormais auprès d'eux.

 

 

 

 

    SIGOLSHEIM

 

Village rasé à 100% fin décembre 44 par les bombardements américains. Pour ses habitants, l'Aspirant GIRARD avait libéré leur village sans destructions le 19 décembre : d'où leur reconnaissance pour ce jeune soldat venu de si loin. Les liens qui se sont noués avec notre famille ont été chaleureusement entretenus par les différents maires, en particulier M.Pierre SPARR à la Libération et plus tard son fils, Charles SPARR.

Le nom de l'Aspirant CAMILLE GIRARD est inscrit sur une plaque commémorative scellée au coin d'une rue qui porte son nom, à l'endroit même où il est tombé, la dernière rue à la sortie Est de Sigolsheim sur la route de Colmar (à 10 km). Colmar qui eût peut-être été libérée bien avant février 45 si l'opération avait réussi…

Ce combat et la bravoure de ce peloton  n'ont-ils pas eu un certain retentissement pour que deux promotions d'Elèves Officiers de Réserve choisissent pour parrain "l'Aspirant Camille Girard" ?

Tous les témoignages officiels ou directs de ceux qui ont connu Camille : amis civils ou camarades de combat, prêtres, professeurs, chefs à l'Armée, rendent aussi hommage à travers lui à une certaine jeunesse d'Afrique au patriotisme d'un autre temps aiguisé par l'éloignement de la Mère-patrie. Il voulait vivre au service de Dieu. Il est mort pour sa Patrie.

Sur sa tombe est inscrite sa devise:

 

POUR DIEU ET LA PATRIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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décorations 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CITATION A L'ORDRE DE L'ARMÉE AMÉRICAINE

 

REMISE POSTHUME DE LA SILVER STAR

 

 

ASPIRANT Camille GIRARD DU 1er R.C.A. Armée Française.

 

Suivant les dispositions du règlement N° 600-45 de l'Armée, la SILVER STAR est décernée à titre posthume au susnommé pour bravoure dans le combat.

 

CITATION

 

Aspirant Camille GIRARD, du 1er Chasseurs d'Afrique, Armée Française, pour bravoure dans le combat du 17 au 19 décembre 144, en France. Une unité de la 5ème D.B., désignée Combat-Command "Les Chasseurs d'Afrique", précédait en pointe l'attaque alliée contre une importante forteresse ennemie. L'Aspirant Girard et ses camarades officiers étaient responsables de l'organisation et de l'exécution de cette opération difficile. Bravant le feu des canons anti-tanks et l'artillerie, ils dirigèrent des éléments blindés à travers un terrain rude vers la ville, dégageant les positions hostiles en tuant, blessant ou capturant la garnison ennemie entière. Presque immédiatement, ils dirigèrent leurs tanks vers une autre ville tenue par l'ennemi et, en tirant sur les arrières des défenseurs ennemis, contribuèrent matériellement à la capture de plus de 400 prisonniers. En dépit de lourdes pertes, l'Aspirant GIRARD  et les autres officiers conduisirent leurs hommes malgré une résistance opiniâtre pour écraser l'ennemi dans une troisième ville.

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Quartier Général de la 36° Division d'Infanterie. A.P.O. N° 36. Armée des E.U. d'Amérique. AG.200.6 du 12 mars 1945.

Signé : John E. Dalquist, Major Général, Armée Américaine.

 


 

 

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COMBATS DANS LA REGION

 

BELFORT - ALTKIRCH

                                           

 

 

 

 

 

 

sud carte 2

 

Villages soulignés de deux traits : son père y combattait en 1916.

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                          OBJECTIF  COLMAR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

nord carte

 

 

 

 

 

SIGOLSHEIM

 

 

19.12.1944

 

 

 

 

 

PlAN  D’ATTAQUE

 

plan d'attaque 2

 

 

 

 

 

 

 

1er R.C.A.

 

2ème escadron – 1er peloton

 

 

 

EN ORDRE DE COMBAT

 

 

 

Chef de peloton: Aspirant Camille GIRARD (Soleil de Germaine)

 

 

 

 

Chars

Indicatifs radio

CHAR DU CHEF DE PELOTON

 

FORT DE FRANCE

GERMAINE 21

VINARDY Henri

pilote

 

 

RUER Lucien

aide-pilote

 

 

LAURANT Roger

tireur

 

 

MOLINA Henri

radio-chargeur

 

 

 

CHAR DU S/OFF ADJT.CHEF DU 1ER GROUPE

FORT DAUPHIN

GERMAINE 22

Mdl /chef FORGET

chef de char

 

 

BIGEARD Maxime

pilote

 

 

LEUSSIER Pierre

aide-pilote

 

 

MARCHAL René

tireur

 

 

VIALAR

Chargeur

 

 

 

2ème CHAR DU 1ER GROUPE

FORT BAYARD

GERMAINE 23

Mdl SEVIN Maurice

chef de char

 

 

PROCUREUR Pierre

pilote

 

 

GAILLARD Roger

aide-pilote

 

 

CABIROL Maxime

tireur

 

 

CASABAN Marcel

chargeur

 

 

 

CHAR DU CHEF DU 2ÈME GROUPE

FORT NATIONAL

GERMAINE 24

Mdl HENIN Léon

chef de char

 

 

PARDO

pilote

 

 

ROSSI Louis

aide-pilote

 

 

THAU René

tireur

 

 

BALLUT

Chargeur

 

 

 

2ème CHAR DU 2ème GROUPE

FORT L'EMPEREUR

GERMAINE 25

Mdl POBLECKI

chef de char

 

 

RUMEAU

pilote

 

 

TORRECILLIA François

aide-pilote

 

 

SOLANA Raymond

tireur

 

 

PLAT Paul

chargeur

 

 

 

 

Blessés :   FORGET.  HENIN.  ROSSI .RUER.

Prisonniers :  CABIROL.  CAZABAN.  GAILLARD.  PROCUREUR.  ROSSI.  THAU.

Chars détruits :   FORT DE FRANCE.  FORT BAYARD.  FORT NATIONAL. 

 

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Le 1er REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE

1832 – 1964

 

 

page 90

 

 

Le 19 décembre 1944, un peloton du 2ème escadron (sous-groupement Bourgin) appuyant une attaque américaine sur Sigolsheim, cherche en vain son appui d'infanterie.

L'aspirant Girard demande des instructions à son capitaine.

 

Le capitaine Davout, apprenant par l'aspirant que l'infanterie est restée aux deux premières maisons du village et ne semble aucunement disposée à précéder les chars, que d'autre part l'ennemi ne semble réagir que faiblement, donne l'ordre au peloton de traverser Sigolsheim pour tenter d'entraîner les fantassins à sa suite. Il promet également un appui supplémentaire d'infanterie, dont il obtient du colonel américain l'envoi immédiat.

 

Ce renfort d'infanterie n'arrive pas. L'aspirant voulant à tout prix remplir sa mission  et espérant entraîner dans son sillage les fantassins déjà en place, fonce jusqu'à la lisière opposée du village où il se trouve seul.

 

La nuit tombe.

 

Soudain l'ennemi qui se tenait toujours terré dans les caves, sort à la faveur de la nuit. Voyant l'occasion qui lui est offerte, il bondit sur les chars que, à défaut d'infanterie d'accompagnement puisqu'elle ne suit pas, seuls défendent les aide-pilotes, juchés sur leur tourelle, mitraillette à la main. Les éclairs de bazooka traversent la nuit. Le "Fort National"(maréchal des logis Hénin) est touché et brûle. L'équipage, par miracle indemne, évacue l'appareil et se bat à pied. Le groupe Forget contourne le village par le Sud comme prévu et prend à partie avec bonheur plusieurs groupes ennemis qui tentent de se replier. Ceux-ci ripostent cependant et le "Fort Bayard", atteint par bazooka encore, brûle à son tour. Le pilote, brigadier Procureur, actionne les extincteurs, maîtrise l'incendie…le char repart! Mais il est touché une seconde fois et flambe : l'équipage, lui aussi indemne, évacue et se défend à pied.

 

Le "Fort Dauphin" avance et tire; mais, risquant de s'embourber en prenant à travers tout terrain, le "Fort Bayard" obstruant le chemin, il est obligé de s'arrêter. Plusieurs maisons déjà brûlent.

 

L'ennemi, qui a reçu des renforts, contre-attaque à la mitraillette et au bazooka. L'aspirant demande aux équipages de se rallier à son char et demande des ordres au capitaine Davout.

Il fait nuit noire.

 

Finalement, son char détruit par bazooka, il part à pied rechercher ses derniers équipages manquants. On ne le reverra plus. Quelques rescapés, rentrés isolément, annoncent qu'atteint par une patrouille allemande, il a refusé de se rendre.

 

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page 1 rca

 

 

 

 

19 décembre 1944

 

 

1 heure. - Le Colonel Robelin, qui subit une contre-attaque sur Ammerschwihr, sollicite un appui de feux. Un tank destroyer du Sous-Groupement lui est envoyé, mais les difficultés du terrain ne lui permettront pas d'arriver à temps. La contre-attaque est repoussée.

11 heures 30. - Le Capitaine Davout reçoit l'ordre de détacher un Peloton chargé d'appuyer de ses feux un Bataillon de la 36° D.I.U.S. qui attaquera le village de Sigolsheim à l'est de Kientzheim. Le Peloton Girard, qui n'a pas effectivement participé à l'affaire de Kaysersberg, sera engagé dans cette opération.

Le Peloton quitte Kaysersberg pour Kientzheim à 12 heures 30. L'heure H, fixée initialement à 13 heures 30 est, quelques instants avant le départ, retardée par le Commandement U.S.

 

Suivant les ordres reçus de ce dernier, le Peloton devra:

- soutenir de ses feux, concentrés sur les lisières du village la progression de l'infanterie américaine.

- occuper le village dès qu'il aura été nettoyé de tout élément ennemi.

Les accès Nord sont impraticables aux chars.

L'Aspirant prescrit alors:

 - les chars, débouchant de Kientzheim, neutraliseront les lisières Ouest de Sigolsheim, tout en prenant leur formation d'attaque.

 - attendant que l'infanterie amie les ait dépassés d'une centaine de mètres pour reprendre leur progression, ils aborderont le village sur indication de l'infanterie pour l'accompagner et l'aider dans le nettoyage.

- le 1er groupe - avec l'Aspirant Girard - empruntera la route de Kientzheim à Sigolsheim, s'arrêtera à la sortie Est du village après l'avoir traversé.

- le 2ème groupe - Maréchal des Logis Chef Forget - prendra le chemin de terre à 100 mètres au Sud de la route, contournera le village par la droite, s'opposant à tout repli ennemi, et rejoindra le 1er groupe, nettoyage terminé. Le Capitaine Davout restera auprès du P.C. du Régiment américain pour assurer la liaison, sortie Est de Kientzheim.

 

 Et l'action se déroule.

   15 heures 40. - Les chars foncent et prennent rapidement leur formation d'attaque. Les 2 groupes se perdent rapidement de vue, la liaison radio seule les relie.

  Après un bond d'une centaine de mètres, le Chef  Forget arrête son char de tête, "Fort Bayard" ; le tir des chars est extrêmement violent.

   15 heures 45. –L'infanterie américaine ne se montre pas. L'Aspirant  Girard demande instamment son aide, et donne l'ordre de ralentir le tir. Le Capitaine Davout intervient auprès du Colonel américain pour hâter l'envoi de l'infanterie.

   16 heures. - La réaction de l'ennemi est pour l'instant quasi nulle. Une section d'infanterie américaine étant enfin parvenue à hauteur des chars, le Capitaine Davout donne par radio l'ordre de faire un nouveau bond. Le char de tête se trouve rapidement à 50 mètres des premières maisons, le feu reprend son intensité. Nouvelle attente pour permettre à l'infanterie américaine de rejoindre les chars. Elle y parvient enfin, mais ne se porte pas en avant à l'abordage des maisons. Pour l'entraîner et devant l'inaction ennemie, le Capitaine Davout donne l'ordre à l'Aspirant Girard de faire un bond jusqu'à l'entrée du village.

   16 heures 20. – L 'Aspirant signale que son char de tête, "Fort National" Maréchal des Logis Hénin, arrive devant une barricade anti-chars  minée.          . 

   16 heures 25. - L'infanterie américaine semble déboucher de la colline de gauche. Un tir concentré d'artillerie, dont on ne connaît pas trop l'origine, s'abat autour des chars et de l'infanterie: un flottement se saisit de celle-ci, qui bientôt se replie, sauf une cinquantaine d'hommes qui se groupent autour des chars  et dans  les fossés de la route.

 L'ennemi qui, jusqu'ici, était dissimulé dans les caves et ne signalait pas sa présence, la manifeste soudain par des tirs de snipers et de bazookistes.

   16 heures 45. - Le Chasseur Rossi, du "Fort National", saute de son char et s'élance sur la barricade pour entraîner les fantassins américains. Bientôt repéré, il tombe gravement atteint aux jambes.

   16 heures 50. – L'Aspirant Girard, devant l'inaction de l'infanterie, descend de son char pour reconnaître un itinéraire permettant de contourner la barricade qui interdit l'accès de la rue principale.

    Le M.D.I. Hénin reconnaît le côté Nord de la route, il est impraticable aux chars en raison des vignes en terrasses successives qui la bordent.

    L 'Aspirant  Girard et Hénin reconnaissent le côté Sud, y trouvent un cheminement leur permettant d'accéder à l'entrée Sud-Ouest de Sigolsheim.

    Revenus à leurs chars, "Fort-de-France" et "Fort National", ils les guident à pied. Derrière eux, le "Fort l'Empereur" s'embourbe. Il réussira à rejoindre la route plus d'une heure après, grâce à    son pilote, le Chasseur Rumeau, et à son tireur le Brigadier Solana, qui accomplissent un véritable tour de force.

17 heures 05. – Le Capitaine Davout, apprenant par l'Aspirant que l'infanterie est restée aux deux premières maisons du village, et ne semble aucunement disposée à précéder les chars, que d'autre part l'ennemi ne semble réagir que faiblement, donne l'ordre au Peloton de traverser Sigolsheim pour tenter d'entraîner les fantassins à sa suite. Il promet également un appui supplémentaire d'infanterie, dont il obtient du Colonel américain l'envoi immédiat.

    A ce moment, la situation se présente ainsi - 3 chars, "Fort-de-France" (Aspirant Girard), "Fort National" (Maréchal des Logis Hénin) et "Fort Bayard" (Maréchal des Logis Sévin) sont parvenus au carrefour près de l'Eglise. Un T.D. (Aspirant Morrisson), en arrière, garde l'entrée principale. "Fort l'Empereur" (Maréchal des Logis Poblecki) est en panne de terrain. "Fort Dauphin" (Maréchal des Logis-Chef Forget) est à la sortie Sud-Est du village. Une section d'infanterie U.S. nettoie les caves des premières maisons; déjà quelques prisonniers ont été faits sans difficulté.

   Seul le Chasseur Rossi a été blessé, aucune perte dans les rangs de l'infanterie U.S.

Mais la progression a été si désespérément lente que la nuit déjà commence à tomber.

L'Aspirant Girard  - "Fort de France" – passe en tête et fonce dans la rue principale, il parvient à la sortie Est du village sans difficulté. Mais il est seul; "Fort Bayard" ne le rejoint qu'un instant après, et l'infanterie n'a pas suivi.

    Soudain, l'ennemi, qui se tenait toujours terré dans les caves, sort à la faveur de la nuit. Voyant l'occasion qui lui est offerte, il bondit sur les chars que, à défaut d'infanterie d'accompagnement puisqu'elle ne suit pas, seuls défendent les aide-pilotes, juchés sur leur tourelle, mitraillette à la main. Les éclairs du bazooka traversent la nuit. Le "Fort National" (Maréchal des Logis Hénin) est touché et brûle. L'équipage, par miracle indemne, évacue l'appareil et se bat à pied. Le groupe Forget, contourne le village par le Sud comme prévu et prend à partie avec bonheur plusieurs groupes ennemis qui tentent de se replier.

    17 heures 22. - Ceux-ci ripostent cependant et le  " Fort Bayard ", atteint par bazooka encore, brûle à son tour. Le pilote, Brigadier Procureur, actionne les extincteurs, maîtrise l'incendie. Le char repart! Mais il est touché une seconde fois et flambe: l'équipage, lui aussi indemne, évacue et se défend à pied.

    Le  " Fort Dauphin " avance et tire; mais, risquant de s'embourber en prenant à travers terrain, le "Fort Bayard" obstruant le chemin, il est obligé de s'arrêter. Plusieurs maisons déjà brûlent.

    L'ennemi, qui a reçu des renforts, contre-attaque à la mitraillette et au bazooka. L'Aspirant demande aux équipages de se rallier à son char et demande des ordres au Capitaine Davout. Il fait nuit noire.

    17 heures 28. - Le "Fort-de-France", arrivé à la sortie Est du village, est à son tour touché, par bazooka encore, en plein poste de pilotage et doit être abandonné par son équipage; le Pilote, Chasseur Ruer, est grièvement blessé. L'Aspirant reste sur la plaque motrice de son char et redemande des ordres.

    Le Capitaine lui prescrit d'abandonner les 3 chars qui brûlent et de se replier avec les autres.

    Laissant ses hommes dans les vignes,   Girard part en reconnaissance vers le "Fort National"  qui brûle. Un groupe ennemi qui patrouille le somme de se rendre, un cri déchire la nuit: l'Aspirant Girard est tombé, atteint de plusieurs rafales de mitraillette; on ne le reverra plus.

   

 

    17 heures 50. - De son char " Fort Dauphin " le Chef Forget appelle tous les équipages et leur enjoint de se rallier à lui. Il prend le commandement des restes du Peloton et donne à "Fort l'Empereur" l'ordre de faire demi-tour et de le rejoindre le plus rapidement possible. Un homme court dans la nuit en l'appelant et grimpe sur bon char: c'est le Maréchal des Logis Sévi, du "Fort Bayard", qui le rejoint, seul de son équipage, après un bref engagement avec une patrouille allemande qui a fait les autres prisonniers.

    Il est 18 heures largement passées. Le Capitaine tente, en vain, de se faire entendre par radio. Une forte patrouille américaine a réussi à pousser jusqu'au "Fort Dauphin"; à l'Officier qui la commande, Forget demande de foncer avec lui vers le "Fort-de-France" pour tenter de récupérer les équipages qui ont dû s'y rallier mais la patrouille disparaît dans la nuit sans le suivre.

    18 heures 20. - Forget reçoit du Capitaine Davout l'ordre de repli immédiat. Des groupes ennemis tentent l'enveloppement et se rapprochent: le feu ennemi redouble, un violent tir d'artillerie éclaire le terrain.

    "Fort l'Empereur" a rejoint Kientzheim depuis un quart d'heure, lorsque "Fort Dauphin" y arrive à son tour, commande électrique de tourelle avariée et batteries à plat: ce sont les 2 seuls chars rescapés du Peloton Girard: les 3 autres "Fort-de-France", "Fort National" et "Fort Bayard" sont en flammes.

    Vers 18 heures 15, rentre, blessé à la main, le Maréchal des Logis   Hénin, du "Fort National". A 23 heures passées, ce sont le Brigadier-Chef Laurant et le Chasseur Vinardy, du "Fort-de-France" que ramène le Médecin Capitaine Lauzié.

 

    Celui-ci soulève l'admiration de tous par son admirable dévouement et son audace. A 3 reprises, accompagné de 2 infirmiers à bord de sa Jeep "Roscoff", il se portera à Sigolsheim en pleine nuit. Il ramènera chaque fois, sous les tirs de minen que l'ennemi a déclenchés sur la route de Kientzheim à Sigolsheim dès qu'il a observé le repli de nos chars, plusieurs blessés, sans distinction, Chasseurs du Régiment ou fantassins américains.

    Vers 3 heures du matin, ce sont les Chasseurs  Molina et Ruer qu'il ramène. Ruer a été grièvement blessé au moment du bazookage du "Fort-de-France" dont il était le pilote. Molina l'a ramené sur son dos jusqu'à proximité de la route, où tous deux ont enfin été recueillis.

    L'affaire coûtait 3 chars, 3 blessés et 6 disparus au seul Peloton  Girard, Girard lui-même au nombre de ces derniers. Et Sigolsheim,  après avoir été virtuellement pris, restait aux mains de l'ennemi.

    On apprit par la suite que, des disparus, 2 seulement avaient été blessés, grièvement du reste. Evacué d'abord sur Colmar, puis sur l'Allemagne, l'Aspirant Girard devait y succomber à ses blessures le 12 Janvier 1945. Le Chasseur Rossi devait être retrouvé en Allemagne par les troupes américaines, amputé de la jambe gauche.

 

 

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en-tête Ubique

 

 

5éme DIVISION BLINDEE

      1er REGIMENT DE CHASSEURS D’AFRIQUE

 

 

 Le 19 décembre 1944

 

 

 

Le 17 et 18 Décembre, le détachement DAVOUT (S/G BOURGIN) s'était emparé au prix de durs combats de KIENTZHEIM et de KAYSERSBERG, capturant des centaines de prisonniers et un matériel considérable.

Le 19 Décembre le Sous - Groupement reçoit l'ordre de donner l'appui d'un élément blindé à un détachement Américain chargé d'enlever SIGOLSHEIM. Il est entendu que dès que les chars auront ouvert l'accès du village à l'infanterie Américaine, celle-ci se chargera du nettoyage et prendra l'affaire à son compte (extrait du journal de marche).

Le peloton GIRARD du 2/1er R.C.A. est désigné pour cette action.

Elle devait se terminer par un échec dans les conditions qui ressortent de la sténo ci-dessous qui a pu être recueillie par les soins du Capitaine du CHATELET, officier de transmissions.

Le lecteur trouvera là, sur le vif et sans commentaires le drame simple du combat.

 

 

L'indicatif du peloton de l'Aspirant GIRARD était

GERMAINE

Char du Chef de peloton

GERMAINE 21

Char du Sous-0fficier adjoint. Chef du ler Groupe: MDL FORGET

GERMAINE 22

2ème Char du ler Groupe: MDL SEVIN

GERMAINE 23

Char du Chef du 2ème Croupe: MDL HENIN

GERMAINE 24

2ème Char du 2ème Groupe: MDL PODLECKI

GERMAINE 25

 

L'indicatif du Capitaine commandant le 2ème escadron (Capitaine DAVOUT d'AUERSTAEDT) était CHARLES. St BRIEUC était le Half Track de transmissions du Colonel BOURGIN, commandant le Sous-Groupement.

Dans le texte ci-dessous on voit que la parole est le plus souvent à l'Aspirant GIRARD (GERMAINE 21); quand ce n'est pas lui qui parle, mention de l'origine est faite la plupart du temps

ainsi : "de GERMAINE 22", "de CHARLES".

Les accès Nord du village étaient impraticables aux chars. En conséquence le dispositif adopté par le peloton était le suivant: sur la route KIENTZHEIM—SIGOLSHEIM, axe principal:

le Chef de peloton avec le 2ème Groupe,  sur le chemin parallèle, au Sud le 1er  Groupe avec mission de débordement en direction de la scierie.

 

 

ECOUTE RADIO DU COMBAT DE SIGOLSHEIM

 

 

 

15 h 39 Allo Germaine 24 attention l'Infanterie Américaine arrive au village.

15 h 41 Ne tirez pas à la mitrailleuse car les amis progressent par la droite et la gauche. Tirez au canon sur le centre.

 15 h 42 (De Germaine 22)  - Nous sommes à 100 m du village, nous ne voyons pas    d'Infanterie amie.

15 h 44 Si vous voyez l'Infanterie américaine arriver au village, vous avancerez aussi.

15 h 46 Allo Germaine 22 ne tirez pas et avancez  lentement car l'Infanterie amie est à gauche… je crois.

15 h 47 Allo Germaine 24 regardez autour de vous s'il n'y a pas de types pour vous bazooker.

15 h 49 J'entends mal, peut-être sont-ils dans le village.

15 h52 (écoute mauvaise)

Les mortiers tirent un peu trop court; l'Infanterie arrive sur la gauche du village.

15 h 52 (De Germaine 22) Infanterie ennemie (ou amie — on entend mal —) arrive autour de vous.

15 h 59 Infanterie américaine derrière mon premier char  mais.... (de Charles, Réponse) N'avancez pas tant que l’Infanterie n'est pas dans les 1ères maisons.

16 h 00 C'est autour de mon char de tête de gauche que l’Infanterie Américaine ne veut pas progresser.

16h 01 Allo Germaine 24 ne tirez plus sur la droite.

16 h 02 (De Germaine 22) Allo Charles, mon 1er Char est à 50m de la 1ère maison sur la gauche. J'ai vu des fantassins américains reculer ne pourrait-on savoir s'ils sont dans le village.

 16 h 03 Allo Germaine 24, si c'est vous qui avez vu les Américains dans les premières  maisons, levez le bras.

16 h 03 Allo Germaine 24, gardez tous vos types avec vous, ce n’est pas votre rôle de faire le biffin (le chasseur Rossi, aide-pilote, était sorti du char pour grimper sur une barricade et entraîner les fantassins américains.

16 h 04 Avancez jusqu'au tournant que je vous voie. Qu'est ce que vous faites?

16 h 06 Dans ce cas c'est l'Artillerie ennemie qui tire sur le village.

16 h 07 Si les tirs de mortiers sont finis, l’Artillerie ennemie tire sur la colline d’où viennent les américains et sur le village.

16 h 08 J'ai l'impression que l'Infanterie américaine recule sur la gauche, j'en ai vu un peu autour de mon char de tête, ne pourrait-on savoir s'il y en a dans le village.

16 h 11 Allo Germaine 24. Est-ce que l'Infanterie Américaine est dans les premières maisons ? Si vous l'avez vue, levez le bras.

16 h 12 (De Germaine 22) Sur la gauche je suis à 50 mètres du village et à droite à 100 mètres. Mes chars ne tirent plus. Sans Infanterie autour d'eux et sans en voir dans le village.

16 h 12 Allo Germaine 24 surveillez bien autour de vous pour ne pas vous faire bazooker.

16h 14 J'ai l'impression qu'il n'y a personne dans le village, sans cela il y a longtemps que l'on serait détruit.

16h 15 Allo Germaine 24, dites à l'Infanterie qui est avec vous d’avancer et vous la suivrez.

16h 16 Allo Germaine 24, avancez tout doucement et s’il n’y a personne continuez à avancer.

16h 17 Du côté gauche l’Infanterie Américaine progresse.... un peu, mais mon groupe de droite n'est pas appuyé du tout.

Allo Germaine 22 en avant! En avant!

Allo Germaine 25 cessez votre dépannage.

16 h 18 Mon char de tête a dépassé les trois premières maisons.

Germaine 24 ne tirez plus car vous savez bien que l’on ne peut pas savoir si les Américains sont là ou pas.

Allo Germaine 24… Stop! Faites signe à un américain avec mitraillette de monter sur votre  char.

Entre 16 h18 et 16 h 22 (de CHARLES à St BRIEUC): « Etes-vous à l'écoute sur le bouton 4 » (fréquence de l’Escadron).

Réponse : Oui.

16 h 22 De Germaine: Mon char de tête est arrêté à la 5ème maison par un barrage antichar. On est allé le reconnaître.

16 h 22 J'ai l’impression que le village n'est pas occupé. Les Américains ne se font pas tirer dessus.

16 h 23 Allo Germaine 25, stoppez le dépannage et rejoignez-moi.

(De Germaine 22) Allo Germaine 21, rien de nouveau il n'y a pas d'Infanterie.

16 h 23 A droite pas d'Infanterie, donc pas de progression. A gauche il y a de l'Infanterie ça progresse.

16 h 26 (Du Radio de Germaine 21) Nous venons de faire des prisonniers et un barrage  d'artillerie nous tombe dessus. Soleil de Germaine va reconnaître le barrage anti-char.

16 h 29 J'ai été à pied reconnaître le barrage. Nous ne pouvons pas passer. Je vais déborder plus à gauche encore, car je ne peux pas passer sur la route principale.

16 h 30 Allo Germaine 22 et 23 où en êtes-vous actuellement?

16 h 31 Oui je suis rentré dans le village mais je suis arrêté par une barricade.

16 h 45 J’ai été reconnaître ... (brouillage). Le village n'est pas nettoyé et par le centre les fantassins sont dans les premières maisons. On signale des coups de feu à droite. R. A. S.

16 h 45 Le Groupe de droite est à 50 mètres des premières maisons, il n’y a pas d'amis à droite. Le centre du village est tenu par l'ennemi. Les fantassins amis sont arrêtés dans les premières maisons et le débordement est impossible par la gauche.

16 h 46 (De Germaine 22) On pousse à droite?

16 h 47 Il n'y a qu'une quinzaine d'amis avec nous et la nuit arrive.

16 h 49 (De Germaine 22) Germaine 23 stop.

Germaine 22 que se passe-t-il?

16 h 50 Germaine 22 rentrez dans le village par la route de gauche.

16 h 51 Germaine 24 restez toujours dans les vignes et rentrez dans le village par le Centre.

16 h 52 Allo Germaine 24 rejoignez la route de droite.

16 h 53 Germaine 24 stop.

16 h 55 Germaine 24 suivez--moi de loin en passant par les vignes toujours.

(De Germaine 22) Ici Germaine 22, nous sommes arrêtés à la sortie droite du village… (brouillage) …

Allo Germaine 22 – dites aux autres chars qu’ils ne vous tirent pas dessus.

Allo Germaine 24 - est-ce que vous rejoignez la route par là.

16 h 59 Allo Germaine 21 je vous rejoins avec un char.

17 h 00 Allo Germaine 24 si vous pouvez rejoindre la route, rejoignez-la.

17 h 01 Allo Germaine 24 si vous ne pouvez pas rejoindre la route, reculez ou alors avancez.

17 h 02 Ici Germaine 21, je vous signale qu'on nous tire dessus à la mitrailleuse. Bon sang!

Allo Germaine 25 suivez--moi.

17 h 03 (De Germaine 22) C'est dans la poche! On les a!

Nous occupons toujours la partie droite du village, mais l'Infanterie n’est pas avec nous autrement le patelin serait pris.

17 h 04 Attention ! je rentre dans le patelin avec nos chars…

 

Charles et Germaine

17 h 05 Nous sommes dans le patelin sans Infanterie.

- On vous demande s’il y a beaucoup de réactions de la part de l'ennemi.

- Je crois qu'on nous tire dessus au canon. Faites attention avec vos…

17 h 06 Allo 25, les autres chars rentrent dans le patelin. Allo Charles je rentre dans le patelin sans Infanterie.

17 h 07 Allo Charles appelle Germaine. Y a-t-il de la réaction?

Réponse: Non.

17 h 08 Nous ne pouvons pas passer car il n'y a que 3 mètres entre les deux maisons et on risque de se faire bazooker.  Je vois vos traçantes qui viennent de la droite.

17 h 11 Je suis parvenu à la sortie du village, mais je suis seul. Je ne sais pas où sont passés les autres chars. Je n'ai pas mis d'équipages à pied.

17 h 12 Rejoignez-moi à la sortie du village. Je suis moi aussi sans Infanterie, il reste quelques tireurs isolés dans le village.

17 h 15 Je suis à la sortie du village. Ne me tirez pas dessus.

Allo Germaine 24 rejoignez-moi.

17 h 16 A CHARLES de GERMAINE 21 Je suis à la sortie du village sans aucune Infanterie et la nuit tombe.

17 h 17 (De Germaine 22) Allo Germaine vous arrivez sur moi ne tirez pas.

17 h 18 Allo Germaine 25 mettez votre aide conducteur à terre avec mitraillette.

17 h 19 Quel est le germain qui a tiré sur un char?

17 h 20 Réponse à Charles: Attendez une minute que je donne mes ordres il y a un char qui flambe.

17 h 21 Allo Germaine ici Charles. Vous avez un char qui flambe? Répondez.

17 h 22 J'ai mon char touché, un autre char touché. Je n’ai pas d'Infanterie.

Allo Germaine 22 Restez où vous êtes

17 h 27 De CHARLES: Sortez du village et attendez l'Infanterie.

- Dois-je abandonner mes 2 chars?

- Oui et attendez.

- J'ai un blessé grave.

- Avez-vous été touché par bazooka?

- Je ne sais pas - oui je crois: les boches nous ont laissé sortir du village (NB : il s’agissait de la sortie est) et nous ont tiré dessus. Est-ce que j'abandonne mes chars?

- Vous vous repliez avec le reste de vos chars.

- Mais je crois que le village n'est pas tenu.

- Reculez tout de même.

 

De Charles:

Je vais rendre compte.

De Charles:

Allo tous. Reculez! Reculez ! Abandonnez le village et attendez l'Infanterie.

17 h 28 Allo Germaine ici Charles: On vous demande d'essayer de le faire tracter.

(Nombreux appels de Charles)

17 h30 Je vais pouvoir le faire tracter. L’Infanterie Américaine (NB : l’aspirant se trompait.  C’était  l’ennemi qui commençait à l’encercler) arrive, nous gardons nos positions.

Qu'on m'envoie vite beaucoup d’Infanterie. Je signale un blessé grave.

17 h 32 De Charles: Dès que l'Infanterie sera arrivée vous reprendrez votre marche derrière.

Réponse: Mais je suis à la sortie du village vers l'ennemi!

De Charles à Germaine 22: Etes-vous toujours à la sortie du village?

Réponse: Germaine 23 est rentré dans le village les autres je ne sais pas.

Germaine 23 a flambé.

17 h 34 (De Charles) A tous: Restez aux lisières du village.

(De Germaine 21) Réponse à une demande de Charles lui demandant sa position: 2 Chars à la sortie du village – 1 à l'entrée, les autres je ne sais pas. Je vous signale que le village n'est pas tenu…

(Je perds le contact radio)…

17 h 43 Est-ce que vous avez vu l’Infanterie amie?

17 h 45 Germaine 22 appelle Charles. Les fantassins amis qui se trouvent avec moi à la sortie demandent du renfort.

 17 h 46 L'Infanterie Américaine demande du renfort.

CHARLES à GERMAINE 22… très brouillé...

Rentrez avec le reste de vos éléments.

(Ici je perds le contact radio)…

17 h 53 Allo Charles, ici Germaine 22. Devant moi 2 chars flambent. Je crois que Soleil de Germaine est tué.

 17 h 55 (De Charles) Pouvez-vous faire le nécessaire pour  ramener le corps de Soleil de Germaine?

(De Germaine 22) Nous sommes attaqués de partout! Nous n'avons aucune Infanterie avec nous. Nous sommes à la sortie.

(De Charles): Rentrez avec tous vos éléments disponibles au village précédent.

17 h 56 Germaine 22 - compris.

18h00 (de Charles). Arrivez-vous au village ?
(De Germaine 22) - J'arrive au village.

(De Charles) - Rentrez immédiatement.

  De ST BRIEUC à CHARLES : Peut-on déclencher un tir?

18 h 05 Il vaut mieux ne pas déclencher de tir car il reste quelques fantassins.

De ST BRIEUC: Quelle est la situation?

- De SAVERNE : Soleil de GERMAINE est mort. Un char a flambé. Un autre était en panne et 1 qui rentre. Les autres on ne sait pas ce qu’ils sont devenus.

18 h 08 (De Germaine 22) Allo Charles: Je veux Soleil de CHARLES, qui est-ce qui… (Brouillage).

Réponse incompréhensible.

18 h ?? (Du radio de Germaine 22) Je signale que le Chef de char est blessé … (très brouillé).

(De Charles) - Rentrez au village que vous… Rentrez ici.- …… ? ……

- Soleil de Charles vous demande de venir le rejoindre tous.

- De Germaine 22. Nous allons essayer de vous rejoindre.

- Répétez…

 - …….

- Rentrez ici avec les éléments ici. Laissez ce que vous faisiez là-bas. Rentrez.

- Dans l'intérieur du village un planton vous arrêtera.

 

NB : Je n'entendais distinctement que Germaine (Aspirant GIRARD) et Charles (Capitaine DAVOUT). J'ai entendu par instants Germaine 22 (Char du Sous-Officier adjoint). SAVERNE est un char détaché à KIENTZHEIM pour assurer la retransmission éventuelle.        

Aucun terme n'a d'ailleurs été inventé, il y a forcément quelques omissions, les faits se sont déroulés trop rapidement.

 

L'Officier de Transmissions:

Signé: DU CHATELET.

 

 

 

L’Aspirant GIRARD, mitraillé alors qu'il venait de quitter son char pour suppléer à la radio défaillante fut ramassé par les Allemands et porté disparu (NB : il devait succomber à ses blessures.).

 

 Coeur ardent, il combattait avec ce perçant qui a toujours été la qualité première des Chefs de Cavalerie.

 

Le chasseur ROSSI, aide-pilote de GERMAINE 24, bondissant hors de son char et grimpant sur une barricade pour entraîner les fantassins Américains, reçut une rafale dans la cuisse. Porté disparu, il a été retrouvé en Allemagne, amputé.

 

 

 

 

 

 

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2eme corps

 

 

 

 

 

 

Pages 108 à 114

 

 

VICTOIRE D'ORBEY ET DE KAYSERSBERG

 

 

Cette longue période de combats touche à sa fin. Cependant, la journée du 19 va être marquée, dans la plaine, par un dernier combat, d'une violence extrême. Il s'agit pour le Sous-Groupement Bourgin, de s'emparer du suprême bastion allemand, au débouché de la Fecht, le village de Sigolsheim. Sigolsheim pris, Colmar ne sera plus qu'à six kilomètres. La nationale 415 sera entièrement libre jusqu'à Ingersheim.

 

Mais le Sous-Groupement du colonel Bourgin a depuis quarante-huit heures, fourni un effort considérable. Sa compagnie organique de Légion Etrangère, en particulier, s'est usée à la tâche. Elle a beaucoup souffert. Ses pertes ont été sanglantes. Son effectif est tombé de 120 hommes à 50. Il ne peut être question de lui demander de participer à l'attaque de Sigolsheim. De même, l'escadron de Shermans (2° escadron) a perdu un nombre sérieux d'équipages et de chars.

 

Un seul peloton est donc désigné pour l'opération, celui de l'aspirant Girard. Il compte cinq chars. Deux tanks-destroyers lui sont adjoints pour rechercher et neutraliser les Panthers qui pourraient être embossés aux abords, ou dans les rues, du village. Pas de Légion Etrangère à la disposition de Girard, mais deux sections d'infanterie américaine de la 36' D.I.U.S., chargées d'assurer la protection des chars français et de participer avec eux à la prise de Sigolsheim.

 

Il n'est pas recommandé de donner des chars à une infanterie usée. La conjonction chars-infanterie doit être parfaite et ne peut être réalisée que dans le cas de troupes, de part et d'autre, en bonne condition.

 

Mais l'heure n'est pas aux préférences, la présence d'un ennemi agressif dans Sigolsheim est une menace pour les communications du C. C. 5. Le colonel Mozat a décidé, en accord avec le général Dalquist, commandant la 36' D. I. U. S., d'aider cette grande unité à enlever la localité.

 

Le général de Vernejoul, commandant la 5e D.B., venu à Riquewihr, P. C. du colonel Mozat, a approuvé les dispositions prises.

 

A 15 h. l'attaque démarre. Comme la veille et l'avant-veille, à Kientzheim et à Kaysersberg, l'ennemi est sur ses gardes. Des rafales de mitrailleuses et d'obus anti-chars accueillent l'apparition des Shermans français et des voltigeurs américains du 143° Régiment d'Infanterie U. S., lesquels font excellente figure sous le feu. Pas de pertes.

 

A 15 h. 39, l'infanterie américaine arrive aux lisières de Sigolsheim et, là, ne peut plus avancer. Creusant le sol gelé, ou profitant des moindres dépressions de terrain, elle s'incruste et attend que les chars pénètrent dans le village. Jusqu'alors, la protection réciproque a relativement bien marché. Mais, dans les rues d'un village aux mains de l'ennemi, il est essentiel que la sécurité rapprochée des chars soit assurée par les voltigeurs d'infanterie. Sinon, toute opération est vouée à l'échec.

 

L'aspirant Girard, à bord de son Sherman, voyant l'infanterie américaine toujours stoppée, rend compte par radio que, le temps passant et la nuit approchant, il décide d'entrer sans soutien dans Sigolsheim, dont la conquête est, il le sait, indispensable.

Opération exécutée à 16 h. 20.

 

La pénétration dans le village est tout de suite profonde. Se répartissant les issues, tous les chars sont bientôt au coeur de la place. De rares coups de feu sont tirés sur eux. Ils les rendent, en crachant de toutes leurs pièces et attendent que l'infanterie américaine suive et vienne fouiller les maisons et procéder à l'habituel nettoyage. Les risques pris ainsi par les chars sont terribles, car ils se livrent, en quelque sorte, sans défense à leurs plus mortels adversaires, les bazookas, les panzerfaust. Ces risques, on peut et on doit les prendre en certaines circonstances, mais durant de brèves minutes, pour entraîner une infanterie hésitante. C'est dans ce sens que Girard a décidé d'avancer, momentanément seul. L'infanterie américaine va suivre immédiatement, elle suit déjà ?...

 

Non, elle ne suit pas... Elle ne suit pas encore...

 

Aucune infanterie n'est là... Les chars ont avancé si vite !

 

Mais, surprise, l'ennemi ne réagit plus. Il semble qu'il se soit enfui et que le village ne soit plus occupé. Il convient néanmoins de se méfier !

 

La liaison par phonie est incessante entre le capitaine Davout d'Auerstaedt, commandant l'escadron, qui, à bord de son char Flambeau-le-Grognard, s'est porté à la sortie de Kaysersberg et l'aspirant Girard, en pleine action.

 

Les Shermans et les destroyers ont franchi plusieurs barrages anti-chars et plusieurs barricades construites en travers des rues. Deux d'entre eux sont même parvenus à la sortie de Sigolsheim, sur la route d'Ingersheim. C'est égal, la situation demeure inquiétante. Une lourde menace pèse. La nuit va tomber et le village apparaît plein d'embûches.

 

Le colonel Bourgin, de son P. C., le capitaine Davout du sien, et l'aspirant Girard ne cessent de correspondre par radio. Leurs indicatifs se croisent dans l'éther. Ecoutez-les parler :

 

17 h. 16. De Germaine (aspirant Girard) à Charles (capitaine Davout): — « Je suis à la sortie du village, sans aucune infanterie, et la nuit tombe ! »

 

Dans le même instant, la réaction ennemie redoutée se déclenche. Comprenant enfin que les chars français se sont aventurés sans protection, le commandant de la défense allemande de Sigolsheim lance une contre-attaque de tireurs de panzerfaust. En quelques minutes, deux chars sont atteints par les redoutables projectiles à charge creuse, leur blindage perforé, et sont mis hors de combat. L'un d'eux flambe.

 

Et le dialogue poignant se poursuit par phonie à travers l'espace.

 

Le capitaine Davout, toujours là-bas à Kaysersberg, interroge :

 

17 h. 21. — Allo, Germaine, ici Charles. Vous avez un char qui flambe ? Répondez !

 

17 h. 22. — J'ai mon char touché, un autre char touché, je n'ai pas d'infanterie.

 

17 h. 23. — Ici, Charles. Sortez du village et attendez l'infanterie !

 

— Dois-je abandonner mes deux chars ?

       — Oui et attendez !

       — J'ai un blessé grave.

     Vous avez été touché par bazooka ?   

       --- Je ne sais pas. Oui, je crois. Les boches nous ont laissé sortir du village et nous ont tiré dessus.

            Est-ce que j'abandonne mon char ?

        — Repliez-vous avec le reste de vos chars.

        — Mais je crois que le village n'est plus tenu.

        — Reculez tout de même !

 

17 h. 32. — De Charles à Germaine: Dès que l'infanterie sera arrivée, vous reprendrez votre marche !

 

Mais la contre-attaque allemande se développe ; A la faveur des ombres du crépuscule d’hiver, les fantassins ennemis entourent les chars, dont les équipages se défendent de leur mieux, à l'aide de leurs armes d'épaule et de leurs revolvers. La situation est grave.

 

17 h. 33. — Un dernier appel angoissé de Girard: « Ici, Soleil-de-Germaine (indicatif personnel de Girard). Germaine 23 a flambé »

C'est le troisième char perdu.

 

Quelques fantassins américains sont enfin arrivés, mais trop peu nombreux, ils sont rapidement submergés.

 

Un char (le N° 22) appelle à leur secours :

 

17 h. 45. — De Germaine 22 à Charles: « Les fantassins amis qui se trouvent avec moi à la sortie demandent du renfort. » Mais l'aspirant Girard, qui a dû mettre pied à terre, afin de mieux diriger le combat, vient d'être mortellement blessé.

 

Le capitaine Davout, informé par le char Germaine 22 interroge :

 

17 h. 55. — Pouvez-vous faire le nécessaire pour ramener le corps de Soleil-de-Germaine ?

 

Et Germaine 22 répond :

 

— Nous sommes attaqués de partout ! Nous n'avons aucune infanterie avec nous. Nous sommes à la sortie.

 

17 h. 56. —De Charles à Germaine 22: Rentrez avec tous vos éléments disponibles au village précédent !

 

 

Le colonel Bourgin, inquiet, interroge à son tour : — Ici, Saint-Brieuc. Quelle est la  situation ?

 

Réponse: — Soleil-de-Germaine est mort. Un char a flambé. Un autre est en panne. Un seul rentre. Les autres, on ne sait pas ce qu'ils sont devenus...

 

A 18 h. les équipages des chars démontés retraitent à pied à travers Sigolsheim. Parmi eux, le chef de char, maréchal des logis Hénin est blessé ; le chargeur-radio Rossi, très grièvement atteint, ne peut être transporté. En petit nombre et mal armés, assaillis de tous côtés par des adversaires survenant en foule, beaucoup sont faits prisonniers.

 

 

Le corps de l'aspirant Girard, si glorieusement tombé, n'a pu être ramené et reste aux mains de l'ennemi.

 

 

 

Ainsi, pris à 17 h. par une poignée de braves, le village de Sigolsheim est reperdu à 18 h. Avec lui, plusieurs des équipages des chars engagés sont perdus. Sigolsheim est le prototype du combat de chars qui tourne mal, l'infanterie d'accompagnement n'ayant pu remplir sa mission. Si les deux sections d'infanterie du 143e R. I. U. S. avaient suivi les chars de l'aspirant Girard, Sigolsheim eût été pris sans coup férir, probablement sans pertes et occupé définitivement.

 

Restés sans protection, sur le lieu même de leur victoire, environnés d'ennemis armés de bazookas, et incapables de se défendre contre tous à la fois, les chars et leurs équipages étaient voués à un destin fatal, leur perte inévitable.

 

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10°

 

 

 

 

Maxime FELSENSTEIN  alias « Capitaine FAVEREAU » dans la Résistance,

Fondateur des Dernières Nouvelles de Colmar, écrit au printemps 1945 :

 

 

 < < A la tête d’un groupe de blindés, il avait voulu forcer les lignes allemandes.

       Il avait réussi, mais l’infanterie américaine qui devait suivre les chars français pour élargir la trouée n’avait pas suivi.

 

 

        Et l’Aspirant  Girard  avait été fait prisonnier.    

 

 

        Si cette attaque avait réussi, il est très possible (voire vraisemblable) que la guerre aurait pu finir plusieurs semaines plus tôt, car les chars

        Américains et français auraient alors pu opérer dans le dos des troupes allemandes. >>

 

 

        Ces propos sont repris dans un article des DNA du 6.12.94, sous- titré               

 

 

« Le courage de l’Aspirant GIRARD « 

 

 «  cet aspirant dont la conduite l’avait tant impressionné « .

 

 

 

 

 

 

11°

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JOURNAL DE ROUTE DE LA 5ème D.B.

 

19 DECEMBRE 1944

 

 

P.C. à Ricquewihr

 

1 heure 30 : La présence d'un ennemi agressif dans Sigolsheim est une menace pour les communications du CC. Le colonel commandant le CC décide en conséquence, en accord avec le général commandant la 36ème D.I.U.S., d'aider cette grande unité à enlever la localité.

Les ordres suivants sont donnés pour la journée:

       1/ le s/groupement Bourgin enlèvera Sigolsheim aidé par l'infanterie de la 36ème DIUS.

       2/ 3/ 4/……….

 

9 heures : Le général de Vernejoul vient au PC et approuve les ordres donnés.

 

10 heures : Le colonel Adams commandant le R.C.T./143 de la 36ème DIUS vient au PC pour coordonner l'action de l'après-midi sur Sigolsheim. Un peloton de mediums de l'escadron Davout, commandé par l'aspirant Girard et 2 T.D. appuiera l'action menée par l'infanterie américaine. Le débouché des chars a lieu à 15 heures.

 

16 heures 30 : Nos chars pénètrent dans Sigolsheim, mais le gros de l'infanterie américaine n'a pu suivre.

 

17 heures : L'ennemi qui avait un moment renoncé à résister se ressaisit. Seuls dans le village, les chars subissent de lourdes pertes.

Aspirant Girard blessé très grièvement. 3 chars démolis. 1 accidenté.

 

17 heures 30 : L'infanterie américaine occupe le village à l'exception de la partie Est qui reste aux mains de l'ennemi. Conformément aux ordres donnés par le commandant du CC, les chars et les T.D. se replient sur Kientzheim.

 

21 heures 30 : Le colonel commandant le R.C.T. /143 fait connaître qu'il évacue Sigolsheim.

 

Au cours de la journée, les Capitaines MARZLOFF et de CANCHY, l'Aspirant GIRARD se sont particulièrement distingués.

 

 

NB                  

T.D. = Char TANK DESTROYER

C.C. = COMBAT COMMAND

D.I.U.S. = Division d'Infanterie U.S.

 

 

 

 

 

 

 

 

12°

 

photos 2

Char Sherman « FORT DE FRANCE «   de l’Aspirant Girard

Photo prise début 1945 par le Lt O.Deutsch du 96° Génie, 5° DB

 

 

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13°

 

 

TEMOIGNAGES

 

 

 

 

 

EXTRAITS DE LETTRES

 

 

 

 

 

    _  R.P. ETIENNE, Aumônier du 1er R.C.A.

 

 

    _  CAMARADES DE COMBAT à Sigolsheim

   

      - Maurice SEVIN, maréchal des logis, chef du char FORT BAYARD

      - René THAU, chasseur, tireur du char FORT NATIONAL

      - Maxime CABIROL, chasseur, tireur du char FORT BAYARD

      - Marcel CAZABAN, chasseur, chargeur du char FORT BAYARD

      - Jean FORGET, maréchal des logis chef, chef du char FORT DAUPHIN

      - Pierre LEUSSIER, chasseur, aide-pilote du char FORT DAUPHIN

     

 

 

    _   SES CHEFS

 

-  Capitaine DAVOUT D’AUERSTAEDT, commandant le 2éme escadron

-  Colonel BOURGIN, commandant le 1er R.C.A.

 

 

 

 

 

 

 

 

LETTRE DU R.P. ETIENNE, AUMONIER, AUX PARENTS DE CAMILLE.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                  21 décembre 1944

 

 

 Aujourd'hui, j'ai une bien triste nouvelle à vous annoncer qui sera pour vous la cause d'une grande douleur mais aussi d'une grande fierté…

 

Lundi 18 nous avons pris la ville de Kaysersberg. Camille commandait avec sang-froid le 1er peloton. A 13 h, alors que nous faisions le nettoyage des maisons, Camille vint vers moi et me dit : mon Père, voudriez-vous me confesser. Je le confessai et aussitôt il s'en alla après m'avoir dit qu'à la maison tout allait bien. Après en avoir confessé 5 ou 6, je le cherchai de nouveau pour lui donner la communion. Mais il était allé prendre des ordres. Tout l'après-midi et le lendemain, je le vis se promener dans les rues allant voir ses 5 chars, ayant toujours le bonnet de police sur la tête, alors que les obus pleuvaient.

Le mardi 19 au soir avec son peloton il attaque le bourg de Sigolsheim(…) Tout d'abord alla bien, il réussit à entrer dans le bourg, y pénétra, y alla jusqu'à l'extrémité. Nous l'entendions à la radio qui commandait ses chars, qui demandait des ordres au Capitaine, qui réclamait de l'infanterie(…)

 

Soudain il annonça que le char précédent venait d'être touché par une grenade anti-char (un bazooka) (…). Puis il annonça que le sien venait d'être touché et commanda aux autres chars de se replier. Son équipage sortit du char et se mit en arrière pour le protéger. Camille malheureusement voulant servir jusqu'au bout, resta debout sur le char, le micro à la main. L'équipage (4 hommes) n'ayant que des pistolets et une mitraillette ne put résister longtemps. Au bout d'une minute, une cinquantaine d'Allemands surgirent des caves et ouvrirent un feu d'enfer. L'équipage allait se replier, c'est alors qu'ils entendirent Camille crier : "êtes-vous américains ou allemands"?  Il faisait nuit en effet. Un coup de feu partit et Camille tomba blessé.

 

Les 4 hommes de l'équipage n'ayant plus de munitions et ne pouvant résister à une cinquantaine d'Allemands, voyant leur chef blessé et aux mains des Allemands, s'enfuirent et errèrent toute la nuit. Certains arrivèrent le lendemain après une nuit d'épouvante et les larmes aux yeux nous racontèrent ce que je viens de vous dire. Il en manque 6 à l'appel.

 

J'ai tenu à ne pas omettre un seul détail car je sais que vous serez ainsi fiers de votre fils qui a lutté courageusement, bravement, en véritable chef. Tous les officiers l'admirent. Le Général lui-même me disait ce matin toute son admiration pour lui et combien il regrettait sa disparition.

     J'emporte de lui le souvenir d'un ami très cher, d'un excellent chrétien, d'un héros.

……

 

 

Le R.P. Etienne SALIOT, Franciscain, était vicaire à la cathédrale St Pierre de Rabat.

 

Deux jours avant Sigolsheim, il nous écrivait : "Je vois Camille très souvent(…).Il est en bonne santé. Il communie maintenant presque tous les jours. Il s'est battu comme un lion. Il se trouve dans son élément. Il a livré un dur combat. Tout cela heureusement finira bientôt et nous nous retrouverons, espérons-le, cette nouvelle année tous réunis à Rabat" 

 

 

 

 

MAURICE SEVIN

 

                                                                                                                            aux Parents    17 janvier 1945                                                   

 

J'ai appris par le Père ETIENNE notre aumônier que vous désiriez avoir des détails sur la disparition de votre fils, notre chef L'ASPIRANT GIRARD".

 

Le 19 décembre à 2 heures de l'après-midi, le premier peloton que commandait votre fils et composé de  5 chars, part du point X avec ordre de prendre le village de Sigolsheim. Nous devions être accompagnés d’infanterie américaine. Le dispositif est le suivant :

Trois chars à l’aile gauche dont celui du centre est notre chef de peloton. Deux à l’aile droite dont celui de tête, le mien. Les deux ailes ne se voient pas et l’une comme l’autre sont arrêtées à 200 m du village par manque d’infanterie. En effet ce n’est que vers les 4h30 que messieurs les américains daignent enfin avancer un peu avec l’aile gauche. A l’aile droite nous n’en avons pas vu un seul.

 

Mais voilà que la nuit tombe, il faut faire vite. Le 1er  char de gauche rentre dans le village suivi du 2ème Ils sont arrêtés par une barrière anti-chars qui est au centre du village dans la rue principale. Ils débordent par la gauche mais à ce moment le char de tête est bazooké. Notre chef de peloton fonce dans le village, crachant de toutes ses pièces. De l’endroit où je me trouve je le vois très bien passer mais ne peux bouger n’ayant toujours pas d’infanterie avec moi. Mais survient cet ordre à la radio : « Germaine 22 et 23 ne me laissez pas seul, je suis à la sortie du village, venez me rejoindre ».

 

Les Américains n’ont pas dépassé les 6 premières maisons du village et nous ont lâchement laissé tomber. Donc des chars la nuit, seuls au milieu des boches. L’issue est fatale.

Ca ne fait rien, je ne puis laisser mon chef seul ; c’est alors que je rentre à mon tour dans le village, mon monstre d’acier crachant le feu de partout. J’arrive à 100 m de lui quand je vois une explosion derrière son engin. Il me dit à la radio : « Germaine 23 ne tirez pas, c’est moi qui suis devant ». Hélas ce n’est pas moi mais l’ennemi qui a tiré et l’a manqué.

 

C’est alors qu’en quelques minutes les événements vont se précipiter. Mon char est touché et prend feu ; je n’ai que le temps de sortir ainsi que mon équipage qui sur mon ordre se replie vers le char de notre chef. A peine sommes-nous arrivés vers lui que son engin est touché d’un premier coup, le moteur s’arrête mais ne prend pas feu. Mon équipage et moi nous mettons sur le côté de la route pour garder le char. L’Aspirant donne l’ordre à son aide-pilote de sortir et de monter la garde à terre avec nous. A peine a-t-il mis le pied sur la route qu’un 2ème coup arrive sur le char et le blesse grièvement. Puis un 3ème coup. Alors l’ordre de sortir est donné au reste de l’équipage, seul l’Aspirant reste derrière sa tourelle et continue de parler à la radio avec notre Capitaine à qui il demande l’ordre d’abandonner les chars et de se replier avec ses hommes. Ayant reçu cet ordre, il descend de son char et passe derrière pour voir l’état de son moteur afin d’être  bien sûr de ne pas abandonner son véhicule en état possible de marche.

 

A ce moment surgissent des ombres, il crie : »Américains ou Allemands » ? La réponse : un coup de feu. Il s’abat au milieu de la rue en poussant un grand cri. Avec un autre camarade nous nous levons immédiatement pour nous porter à son secours, mais les boches qui arrivent en nombre nous lâchent des rafales de mitraillette et nous obligent à nous jeter à terre. Voyant la situation et à mon grand désespoir de ne pouvoir prendre notre chef étendu sur la route, je donne l’ordre à mes types de se replier et de me suivre. En route nous tombons sur des patrouilles boches et sommes dispersés. A grand peine, j’arrive enfin à rejoindre nos lignes.

 

 

    Plus tard le chargeur de votre fils, le chasseur Molina et son aide-pilote le chasseur Ruer Lucius grièvement blessé arrivent à leur tour. Quant au pilote et tireur ils ne sont arrivés que le matin après

    avoir passé  la nuit dans un trou d’obus à 20 m des Américains qui leur tiraient dessus chaque fois qu’ils voulaient sortir. Ce n’est qu’au matin qu’ils virent que c’étaient des Français.

 

Ce sont le brigadier-chef Laurant Roger et le chasseur Vinardy. Quant au 1er char bazooké, seul le chef de char (MDL Hénin) grièvement blessé, le pilote (Pardo) et le chargeur (Ballut) ont rejoint. Le tireur (Thau) et l’aide-pilote (Rossi) y sont restés, tués certainement. Quant à moi, mes trois gars y sont restés aussi. Ce sont : Brigadier-chef Procureur, Brigadier-chef Cabirol, Chasseurs Gaillard et Casaban. Total : 7 tués ou disparus, 3 chars détruits. Les 2 autres chars ne sont pas rentrés dans le village, heureusement pour eux, ayant eu l’un un enlisement, l’autre une panne de circuit électrique : chaque fois qu’il tirait, son moteur s’arrêtait.

(…)

Croyez, chers Madame et Monsieur, que mes camarades et moi participons à votre douleur, mais soyez certains que mort ou vivant votre fils sera vengé. Je puis aussi vous dire qu’il se battait comme un lion et que c’était un très bon chef que nous aimions.

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Le MDL SEVIN et le B/c LAURANT du "Fort National", ainsi que TORRECILLA du "Fort l'Empereur" seront tués, brûlés le 31 janvier 45 lors de l'attaque sur Durrenentzen, à l'Est de Colmar.

 

 

 

 

 

RENE  THAU

aux Parents     27 avril 1946

 

      ...Et voici comment j'ai vécu les derniers moments avec le 2ème escadron. Notre char (FORT NATIONAL) touché, nous descendons tous et comme le char ne brûlait pas, je suis à nouveau monté    sur   le char pour chercher la mitraillette. Au même instant, je ne sais ce que j'ai eu, j'ai entendu une détonation terrible, une  lueur, puis je ne sais ce qui s'est passé, j'étais avec les boches et me   trouvais auprès de l'aspirant Girard  que j'ai reconnu aussitôt, ainsi que lui. L'aspirant souffrait terriblement. Une balle à la jambe, l'autre à l'épaule, la plus mauvaise dans le ventre. Nous n'avons pu

beaucoup  parler ensemble, les boches ne le voulaient pas. Et ils guettaient nos moindres gestes. L'aspirant m'a parlé du Capitaine, du peloton et des copains, où ils étaient. Je n'en savais rien. A ce moment là, j'ai demandé aux boches si je pouvais rester avec l'aspirant. Au même instant, j'étais encadré et je sortais de Sigolsheim en direction de Colmar avec une dizaine d'américains. Et depuis je n'ai plus vu l'aspirant Girard.…….

 

 

 

 

MAXIME  CABIROL

au R.P. ETIENNE    9 mai 1946

 

... Pour notre malheureux aspirant Girard, j'étais en effet à côté de lui quand il a été blessé, d'une rafale  de mitrailleuse, je crois très gravement, car il s'est évanoui presque immédiatement.  

A notre grand regret  nous n'avons pu le soigner ni nous rendre compte de l'état de ses blessures, car nous étions attaqués sans arrêt par un ennemi mieux armé et bien supérieur en nombre, étant seulement quatre à défendre le char détruit. Nous avons dû nous retirer presque aussitôt. Malgré tout, à Colmar j'ai retrouvé Thau René qui quand il a été fait prisonnier s'est trouvé dans une cave avec l’aspirant qui l’a reconnu et que les allemands soignaient, détails qui nous avaient fait espérer qu’il survivrait à ses blessures.

 

 

 

 

MARCEL   CAZABAN

.

au  R.P. ETIENNE    5 août 1946

 

... Comme vous le savez, le soir que nous avons attaqué c'était avec les américains et ils n'étaient pas très courageux. Aux premières balles de mitraillette, tous demi-tour. De drôles de guerriers! Pour moi, je n'en ai pas vu un seul. J'étais dans le char du pauvre SEVIN et derrière nous il y avait le char de FORGET. Nous étions sans infanterie. L'aspirant Girard est rentré tout seul avec son char dans le village, puis nous l'avons rejoint. Nous avons traversé le village. C'était très calme. On croyait qu'il n'y avait personne mais à peine arrêté à l'autre bout, mon char le premier bazooké tout en feu. Personne de blessé. On fonce tous sur le char de l'aspirant; un autre bazooka, le char loupé mais RUER avait été blessé. Entre temps, PROCUREUR, de mon char, était remonté dessus et avait tiré les extincteurs. C'était éteint. Mais un autre bazooka y a remis le feu. Puis l'aspirant a été blessé au milieu de la route d'une balle de mitraillette dans le ventre et puis je ne sais plus comment ça s'est passé. Nous nous sommes retrouvés à quatre: Procureur, Gaillard, Cabirol et moi. Les autres, on ne savait pas ce qu'ils étaient devenus. Tous les quatre, nous avons voulu chercher Girard, pas moyen d'arriver, tellement que les grenades et compagnie tombaient. Et puis l'aspirant nous dit: " ce n'est pas la peine de rester, partez."

   On se groupe tous les quatre et nous voilà partis. Nous avons rampé pendant au moins deux  heures à travers les vignes. Au moment où l'on croyait qu'on était presque au bout, en plein chez les allemands. Cà sortait de tous les coins. On ne comprenait jamais rien à ce qu'ils nous demandaient. Je croyais bien qu'ils allaient nous fusiller. Ils nous ont fait coucher dans les vignes puis le lendemain ils nous expédiaient à Colmar. Là on a retrouvé THAU. Il était drôlement heureux de nous revoir. Il se demandait ce qu'il allait devenir tout seul. Puis direction Stalag dans la Forêt Noire !! ....

  P.S. J'oubliais de vous dire que quand nous avons retrouvé THAU à Colmar, il s'était retrouvé avec l'aspirant dans une cave du village et puis un officier allemand  nous avait dit qu'il l'avait envoyé dans un hôpital. Nous avions été très heureux de le savoir là.

 

 

 

 

 

JEAN  FORGET

 

    à Guy Girard    5 janvier 2008

 

…L’heure H. Le Lieutenant déclenche l’attaque. Nous prenons aussitôt notre dispositif et par bonds de cent métres avec petits arrêts, nous arrivons aux premières maisons. Nous ne pouvons pas aller de l’avant car l’infanterie américaine est absente. Nous attendons, très inquiets car la nuit nous est tombée dessus très rapidement et en plus la nuit vraiment noire sans lune, avec le désastre inimaginable une paire d’heures avant.

Tous les gars étaient sûrs de la réussite de la manœuvre. La fatalité a voulu  que notre infanterie légendaire (la Lègion Etrangère)  soit de repos et en reconstitution.

      ……

 

 

 

PIERRE  LEUSSIER

 

Amicale des Anciens du 1er R.C.A.

Bulletin de liaison n°22, 2éme trimestre 2001

 

        Après notre victoire dans le Sud de l'Alsace, nous nous retrouvons au NORD-OUEST de COLMAR, à RIBEAUVILLE, puis rejoignons RIQUEWHIR Le 17 décembre 1944 le 2ème Escadron et  la     

     La Compagnie BERTELIN du R.M.L.E. attaque KIENTZHEIM.

 

Les véhicules à la queue leu leu empruntent un chemin, l'ancienne voie romaine qui relie BELFORT à SAVERNE, jusqu'à un petit col séparant le Mont de SIGOLSHEIM des contreforts des Vosges. Sur une transversale nous prenons nos positions de combat, le 2ème Peloton sera à l'Est, à notre gauche, nous restons à leur droite face au Sud. KIENTZHEIM est à deux kilomètres cinq à nos pieds. Le chemin d'approche que nous avons utilisé n'est plus praticable, il est encombré de deux ou trois chars américains abandonnés, l'ensemble serait miné. L'attaque se déclenche, nous dévalons la pente au milieu des vignes, les pilotes font des prouesses pour découvrir des passages d'une terrasse à l'autre, avec les barbotins nous récoltons des centaines de fil de fer arrachés aux belles vignes   de l'Altenberg. Le 2ème Peloton pénètre par l'entrée Sud, malheureusement le Lieutenant DUTHIL est tué par une balle tirée par un sniper. Le 1er Peloton s'engouffre par la porte Ouest soutenant les Légionnaires qui nettoient devant lui. L'opération terminée, nos cinq chars aux ordres de l'Aspirant GIRARD ressortent de KIENTZHEIM et se dirigent vers AMMERSCHWIHR par un petit chemin   qui s'enfonce bientôt dans une prairie, quelques dizaines de mètres franchis, trois chars immobilisés à quinze mètres les uns des autres, embourbés. La nuit est tombée, nous sommes seuls au bord     de la Weiss que l'on entend couler, de la rive opposée nous parvient le bruit des rires et des bribes de conversation des allemands installés sur le bord de la route qui nous surplombe, des véhicules ennemis circulent entre AMMERSCHWIHR et KAYSERSBERG.

 

 Notre Chef de char frappé de violentes migraines demande à l'Aspirant l'autorisation de se rendre à l'infirmerie pour s'y faire soigner, je l'accompagne et bénéficie en prime d'un merveilleux quart   de Riesling. Retour au char, nuit sans histoire. Le lendemain 18 décembre nous récupérons notre Chef de char et assistons les pieds dans l'herbe à la libération de KAYSERSBERG par la Légion, le   2éme Escadron, les chars de Commandement et les T.D. du 11ème R.C.A.

 

 Nous voyons descendre des collines surplombant la ville l'infanterie américaine de la 36ème D.I.U.S. en file indienne, l'arme à la bretelle. Délivrés de la boue, nous rejoignons l'Escadron. Ayant bénéficié d'une journée de repos imprévue, frais et dispos nous sommes désignés pour participer le lendemain 19 à l'attaque de SIGOLSHEIM, village situé à l'est de KIENTZHEIM. Nous devons soutenir l'action d'un Bataillon de la 36ème D.I.U.S. Vers 14 heures nous sortons de KIENTZHEIM, le groupe FORT BAYARD et FORT DAUPHIN au sud de la D.28, le reste du Peloton GIRARD  sur la D.28. Nous empruntons comme prévu un chemin de terre au milieu du vignoble entre la D.28 et la WEISS. Nous avons le contact radio avec FORT DE FRANCE (Germaine 21), mais nous les avons perdus de vue. Nous cherchons l'infanterie américaine, nous progressons lentement, FORT BAYARD est à 100 mètres devant nous, aucun fantassin auprès de lui. Nos amis du Nord semblent être dans le même dénuement. L'infanterie américaine est introuvable. Nous savons par la radio que FORT DE FRANCE est parvenu à s'infiltrer dans le village et se trouve maintenant seul devant le barrage anti-char à la sortie Est sur la D.28.

Vers 17 heures FORT BAYARD notre char de tête pénètre à son tour, sans difficulté, dans le village, il est seul, sans infanterie. FORT DAUPHIN ne le suit pas car une panne le handicape, la mise à feu électrique du canon  coupe l'allumage moteur.

 

 Les deux chars FORT DE FRANCE et FORT BAYARD sont rapidement neutralisés par les panzerfaust. "CHARLES" notre Capitaine s'époumone "Germaine 21" ne répond  plus… l'attente est longue…rien!

 

     Inquiet du silence des camarades ayant investi la place, je me propose de pousser une reconnaissance dans le village. Je troque mon Colt contre le P.M. Thomson, prends la musette de chargeurs,      sort du poste d'aide pilote et, à terre, me retrouve au milieu d'une vingtaine de fantassins américains couchés sur les bas côtés, le long des chenilles du char. Oh merveille! Anglophone averti, je leur demande de bien vouloir m'accompagner dans le village, je ne soulève pas l'enthousiasme, seul, un Sergent Chef accepte mon invitation et reçoit la bénédiction de son supérieur. Nous quittons les amis et arrivons aux premières maisons qui se sont avérées par la suite être le Moulin FRITZ. Un feldgrau, fin saoul chante à tue tête sur le  pas de la porte d'un bâtiment en flammes. Les habitants nous glissent "Pour lui, il croit que la guerre est finie". Nous continuons, franchissons le pont du bief, quelques dizaines de mètres plus loin FORT BAYARD stoppé, la radio fonctionne encore, je la coupe,   le char est vide. Mon compagnon me demande l'origine des explosions qui ponctuent notre progression. Je lui réponds "Hand grenade". Il est très perturbé. Une centaine de mètres plus loin FORT DE FRANCE, les équipages sont à terre à droite de la route dissimulés sous de maigres buissons, entourant l'Aspirant.  J'informe celui-ci que le Capitaine cherche à le joindre par radio, sans résultat, je lui demande ce que je dois faire, je reçois l'ordre de rejoindre FORT DAUPHIN. Nous rebroussons chemin, arrivé à la hauteur da FORT BAYARD, un groupe d'une dizaine de fantassins allemands sort      du village qui se trouve maintenant sur notre droite. L'un deux me crie "Viens, viens petit, on ne te fera pas de mal", j'ajuste mon P.M. à la hanche, ils s'enfuient déjà, je tire, le chargeur mal engagé   tombe à terre, je l'enfonce rageusement, réarme, tire sur les fuyards qui se trouvent à 50 mètres. Mon compagnon couché n'a pas bronché. Nous sommes maintenant au Moulin FRITZ à 70 mètres de FORT DAUPHIN. L'infanterie américaine a progressé, ils viennent en plaque autour de nous, je les entraîne dans une encoignure, nous échangeons les informations. Je perçois un bruit, passe la tête      au coin du bâtiment qui nous protège. Presque à notre hauteur un groupe d'allemands, je leur crie "die hande hohe"…, il paraît que cela ne veut rien dire mais…, j'entends une culasse se fermer, je tire.     Mes amis me disent que ce n'est pas comme cela qu'on doit faire la guerre, je leur laisse les feldgrau et rejoins FORT DAUPHIN. L'équipage me prévient que notre Chef de char a perdu la tête et qu'il   les menace de son Colt. Je monte sur la plaque moteur, lui parle et avec l'aide du tireur lui retire en douceur son arme. II fond en larmes. Je contacte "CHARLES" par radio, compte rendu succinct et reçois l'ordre de rentrer sur KIENTZHEIM. Je descends du  char pour guider le pilote lors du demi-tour sur une voie étroite bordée de terre meuble, l'exercice terminé nous voyons courant vers nous le M.d.Logis SEVIN de FORT BAYARD. Il est parvenu à nous joindre, nous apprenons que l'Aspirant GIRARD a été grièvement blessé alors qu'il était derrière son char. Arrivé à KIENTZHEIM une ambulance attendait notre Chef de Char. Les Capitaines DAVOUT et MARZLOFF étaient au Château de KIENTZHEIM dans une grande pièce où se trouvait le PC du bataillon. Eux étaient inquiets.     De l'autre côté de la pièce… c'était l'heure du thé, les biscuits circulaient.

 

 

Le Major VONALT du 1212ème Grenadiers était le Chef des Défenseurs de SIGOLSHEIM, il avait installé son P.C. dans la dernière maison bordant la D.28, à côté du barrage anti-char où s'est    arrêté l'Aspirant GIRARD le 19, le Major VONALT n'avait que trois ou quatre hommes avec lui.

 

 

 

 

 

Le 20 avril 2005, Pierre LEUSSIER écrit à Guy GIRARD:

 

"Cet épisode triste continue de m'assaillir, car j'ai toujours eu l'impression qu'il fallait peu de chose pour que l'opération  réussisse si seulement l'infanterie américaine avait bien voulu avancer."

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Capitaine   DAVOUT  D’AUERSTAEDT

 

 

21 décembre 1944

 

 

 

Il n'en fut pas de même hélas le surlendemain où ce pauvre Girard trouva la mort pour n'avoir pas été suivi comme il devait l'être par nos chers alliés. Il s'est sacrifié magnifiquement, entrant seul dans le village, puis le traversant pour essayer d'entraîner nos alliés, mais ce fut en vain. Il se fit détruire avec 2 autres de ses chars, à bout portant, par des boches sortant des maisons. Son char en flammes, il réussit à sortir et regroupa son équipage à terre, alors que la nuit tombait. Mais poursuivi par les allemands, il reçut un coup de feu et tomba sur la route en poussant un grand cri. Quelques uns des membres de son équipage, toujours pressés par l'ennemi et n'ayant pas d'armes pour se défendre, réussirent à s'échapper.

 

L'infanterie alliée, au profit de laquelle son peloton travaillait, ne fit rien pour lui. Aussi est-il porté disparu, sans qu'on puisse affirmer qu'il est mort, bien que ce soit très probable. Avec lui six autres disparus, quelques autres purent rentrer. Je n'en ai pas dormi de 2 nuits. Ce fut atroce et nos alliés n'ont encore rien fait pour reprendre le village, car bien entendu ils abandonnèrent la maison d'entrée qu'ils avaient atteinte.

 

Ainsi disparut mon  cher petit aspirant qui fut magnifique de courage et de calme  pendant  toute l'opération et se rendait parfaitement compte de sa situation critique dont il me rendait compte par radio. Nos alliés furent lamentables et jamais je ne leur pardonnerai d'avoir abandonné un magnifique peloton qui s'est sacrifié pour conquérir pour eux un village qu'ils ne surent ni nettoyer ni tenir.

 

 

 

2 février 1945, à Girard  père

 

Je me souviens qu'un jour, au cours d'une brève rencontre, vous m'avez confié votre fils. J'aurais tant aimé vous le rendre indemne et couvert de la gloire qu'il s'est acquise. Dieu en a décidé autrement dans sa suprême sagesse.

 

Je ne voudrais pas non plus que vous pensiez que l'impossible n'a pas été fait. Il était trop aimé et apprécié de ses hommes pour ne pas susciter tous les dévouements. Mais les circonstances étaient telles, les hommes sans arme devant un ennemi nombreux, qu'il n'y avait vraiment aucun moyen pour eux de se porter au-devant du chef qui venait de tomber.

 

Je vous redis toute l'affection que j'avais pour Camille…...

 

 

 

11 janvier 1946. Aux  Parents de l’Aspirant.

 

 

         En cette veille d’un si triste et émouvant anniversaire, je tiens à vous faire part de la fidélité de mon souvenir et à vous assurer de mes ferventes prières pour mon cher petit aspirant. Ce matin à la messe j’ai  pensé tout particulièrement à lui, me souvenant de sa belle âme limpide.


…….Quel horrible jour que ce 19 décembre au crépuscule duquel Camille ne rentre pas dans notre petit cercle. ……. J'en garde le souvenir d'un cauchemar mais aussi un sentiment de fierté pour la crânerie dont notre petit aspirant fit preuve, pour la victoire qu'il remporta tout seul avec ses quelques chars dont il avait pris la tête vu le danger pour entraîner les autres par son exemple.         Si cette victoire ne fut point exploitée, la faute n'en est point à lui et je ne crois pas non plus à moi. Car je fis tout ce que je pus auprès de l'autorité américaine. Oui, il y eut un relevé presque in extenso des communications radio de Camille dans ce qui devait être sa dernière bataille. Je ne connais point de document plus poignant.

 

 

Le 30 mars il écrit

 

Je vous envoie ce document. Vous pourrez ainsi connaître les dernières paroles enregistrées par votre fils en plein combat. Vous ne manquerez pas d'y trouver les qualités de chef que révèlent ces paroles suprêmes. Calme, autorité, exemple, sollicitude pour ses chefs de chars. ……. Vous pouvez en concevoir une juste fierté pour la manière dont votre fils s’est comporté dans ce combat.

 

 

 

 

Colonel  BOURGIN

 

16 janvier 1945

 

……. On l'a vu tomber en poussant un grand  cri.  Il a été malheureusement impossible d'aller le chercher malgré tous les efforts. C'était un garçon très sympathique, timide, très réservé, mais qui s'est révélé magnifique au combat.  J'étais allé lui serrer la main avant qu'il ne parte pour l'opération dans laquelle il est tombé.  Il était tout joyeux, confiant et s'il est mort, c'est après avoir pris le village qu'il devait occuper.

 

 

31 août 1945

 

……. Vous savez de quelle affectueuse sympathie votre fils était entouré, non seulement dans son Escadron mais dans tout son Régiment et combien étaient appréciées les qualités de coeur, de simplicité et de modestie qu'il possédait à un si haut degré…..

 

Je ne parle pas de ses vertus morales, de la conception élevée que, bien que jeune, il avait cependant de son devoir, de cette tranquille et magnifique bravoure avec laquelle il a combattu - et je n'oublierai pas la souriante sérénité que reflétait son jeune visage le jour où il est parti en tête de son beau peloton de chars pour s'emparer de Sigolsheim dont hélas ! il ne devait pas revenir.

 

 

 

 

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14°

 

 

Porté   »DISPARU »

 

      

 

 

 

       Capitaine  DAVOUT

                                           13 février 1945

 

…Dans la cave du maire SPARR, le domestique déclare avoir vu "2 ou 3 français dont l'un qui avait les jambes coupées au-dessous du genou, portant un galon sur l'épaule". De nos disparus, seul Camille portait un galon à l'épaule, cela ne peut donc être que lui. Certes la blessure est très grave et  terriblement cruelle, mais je vous avoue que j'ai ressenti tout de suite une joie folle à l'annonce de cette nouvelle. Il paraît que le médecin allemand était tout à fait bien et s'est mis en quatre pour soigner nos français, leur injectant tout de suite les piqûres nécessaires.

 

…Ce serait un bazooka qui aurait mis Camille dans cet état, mais je serais néanmoins soulagé à la pensée qu'il vivrait encore et qu'avec une bonne prothèse il pourrait encore faire rayonner sur cette terre sa belle âme.

 

 

R.P. ETIENNE

                                         21 mai 1945

 

  …Je viens de recevoir une lettre d'un chasseur ayant combattu sous les ordres de Camille à Sigolsheim.  Il me dit : »Ils m'ont amené à 8 h du soir dans une cave et là se trouvait notre  

              Lieutenant  bien aimé blessé au ventre et qui fut aussitôt emmené en ambulance »…

 

 

 

            Capitaine FAVEREAU

                                             14 avril 1945

 

…Le Maire de Sigolsheim, M.SPARR m'a confirmé que votre fils, M. Camille GIRARD  et son B/C PROCUREUR avaient été transportés dans sa cave dans la nuit du 19 au 20 décembre.

 

…Votre fils avait une plaie à la cuisse. Le médecin-major allemand qui l'a bien soigné et lui a fait tout de suite une piqûre antitétanique a déclaré au Maire qui s'était enquis de l'état du blessé qu’il n’y avait rien de grave.

 

Votre fils a peu après été évacué, via Colmar, sans doute sur l'Allemagne.

 

 

 

 

 

 

        Ministère de l’Intérieur

 

 

 

2 télégramme

 

 

 

ET COMBIEN D’AUTRES  INFORMATIONS CONTRADICTOIRES ……….

 

 

                                                                                                                                                                                                                                         

 

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15°

 

BAD  HARZBURG

 

 

 

 

 

 

 

 

bad harz

 

 

 

 

BAD HARZBURG

 

Camille arrive à Bad Harzburg, province de Braunschweig, par train sanitaire le 6 janvier 1945.

Nous ignorons complètement  la période du 19 décembre 44 au 6 janvier 45.

Pendant deux ans, d'août 45 à août 47, nous obtiendrons des renseignements fragmentaires, souvent contradictoires grâce à:

Mme BOËR, française de naissance. Elle était dévouée auprès des soldats français prisonniers de 39-40.  Elle fera  tout pour obtenir des renseignements auprès des personnels de l'hôpital, du Curé de Bad Harzburg et des prisonniers français qui eux-mêmes nous écrivirent à leur libération.

      Nous aurons le témoignage de M. KLÜGMANN, allemand, parlant bien français il servit  d'interprète.


juillet 46. Un prisonnier

Avec d'autres camarades prisonniers nous avons pu  l'approcher mais avec interdiction de lui parler, d'ailleurs à chaque fois des sentinelles nous accompagnaient dans sa chambre. Il était en effet considéré comme combattant "gaulliste".

Il pensait à ses parents et à la France qui allait gagner la guerre.


25 octobre 46. Mme BOËR

Votre fils habitait une chambre confortable, d'abord avec un Russe, puis seul. L'infirmière se souvient parfaitement de lui car elle avait, dit-elle, été frappée par sa beauté et aussi, il faut bien le dire par la cruauté de ses blessures. Elle assure que le Dr G. a fait tout ce qui était en son pouvoir, mais que de plus son assistant le Dr N. s'est particulièrement occupé du blessé. Votre fils appelait "Maman, Maman" quand il souffrait trop et il demandait de la morphine. Une fois il a essayé de lui faire comprendre qu'il se savait très gravement  bléssé et avec un sourire a fait les gestes de mettre en mouvement avec les mains une voiture de paralytique.

 

27 janvier 48. M.KLÜGMANN

Il  était couché sur le dos, dans un lit propre. N'a pas subi d'opération. Il  ne souffrait pas beaucoup, si peu qu'il ne se rendait pas compte de la gravité de sa blessure.

Il m'a parlé de ses parents et toute sa famille d'une manière qui prouvait l'harmonie et l'amour tendre qui ont rempli la vie en famille.

 

juillet 46. Même prisonnier

Il mangeait régulièrement, ne pleurait pas, ne gémissait pas.
      Les trois derniers jours, vu  la gravité de son état, il était calme grâce aux piqûres (4 à 5 par jour).

Pas  rasé depuis 21 jours,  il a été enterré en pyjama.

 

28 octobre 1946. Père AREND, curé (parlait bien français)

       Le dernier jour de sa vie terrestre, Camille se trouvait en pleine connaissance. S'étant confessé auprès de moi, il reçut notre Seigneur en viatique et  l'Extrême-Onction, en manifestant une piété   

 merveilleuse.

 

 

Camille meurt le 12 janvier 1945 à 0 heure 15.

 


Des diverses blessures sans doute, dont le bras gauche fracturé, la blessure mortelle était due à une balle qui s'était logée entre deux vertèbres, lui sectionnant la moelle épinière, d'où paralysie transversale.

Son  inhumation a lieu le 13  en présence d'un aumônier français et de trois prisonniers.

 

 

 

 

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16°

 

 

LYCEE GOURAUD – RABAT

 

 

 

 

 

gouraud

 

MONUMENT  AUX  MORTS

106 élèves et professeurs

Triste « record » de tous les lycées de métropole et d’outre-mer

 

 

 

 

LIVRE D’OR

 

 

 

 

Camille Girard

 

 

 

 

S'il est vrai que chaque année apporte à l'âme de nos lycées quelque trait nouveau qui la complète grâce à la jeune génération qui accourt dans leurs murs, Girard Camille exprimera à jamais les plus nobles qualités de ce peuple d'élèves qui a fréquenté le lycée Gouraud de 1928 à 1941 et qui lui a donné son visage personnel : Camille y a fait toutes ses classes depuis la douzième jusqu'à la classe de lettres supérieures, sans aucune interruption : excellent élève de Lettres, il désire préparer le concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure lorsque le débarquement allié en Afrique du Nord l'amène à prendre dans la joie, la décision qui va marquer son destin : il décide de s'engager et obtient de son père, ancien combattant de 1914-1918, l'autorisation nécessaire. Le 15 janvier 1943, il contracte un engagement pour la durée de la guerre et après un court passage à Cherchell où il gagne brillamment ses galons d'aspirant, il choisit le 1er régiment de chasseurs d'Afrique.

 

 

Voici Girard Camille combattant ; et rien n'est plus pathétique que la maîtrise avec laquelle il sait séparer de son devoir envers son pays occupé, toutes les affections, même les plus tendres, toutes les amitiés, tout ce qui peut le détourner un instant de son métier de soldat. Pourtant peu de jeunes, à son âge, avaient uni en un faisceau plus chaleureux les forces qui, pendant longtemps assurèrent à la France sa stabilité physique et morale : l'amour de la famille, une piété intense, une foi patriotique inébranlable. Mais l'heure de l'action venait de sonner: spontanément Camille lui donne la première place et tout vient s'ordonner pour lui autour des nécessités du combat prochain; fils modèle, il sait trouver constamment les mots d'espoir qui soutiendront les siens : chacune de ses lettres exprime sa volonté de vaincre et son attachement passionné pour ceux qui l'ont formé.

 

 

Grand, le visage toujours souriant, modeste et serviable, d'une égalité d'humeur qui s'accompagne d'une sensibilité de poète, Camille avait commencé sa jeune destinée en comblant de joie et de fierté sa famille et ses maîtres. L'un de ces derniers a écrit :

" Tout, en lui, était franchise et pureté. Son sérieux, son parfait équilibre intellectuel, sa richesse de cœur, sa grandeur morale m'avaient frappé et séduit. Je l'aimais bien.... "

 

 

 

 

Dès que la cinquième division blindée est engagée le jeune aspirant se distingue: tout de suite ce garçon s'adapte aux conditions du combat de chars : à Ammerzwiller, puis à Gildwiller, il a donné des preuves de bravoure à la tête de son peloton de chars. " Je suis fier et heureux de me trouver à la tête de cinq chars, cinq sous-officiers et vingt hommes. C'est une lourde responsabilité et je vous demande de prier pour que je sois digne de cet honneur ". Le danger ne lui fait pas perdre confiance : jusqu'au bout il rassurera les siens : " Que maman ne s'en fasse pas : je lui reviendrai avec mes quatre membres et mon grand nez, et elle pourra encore me serrer dans ses bras ".

 

 

Le mardi 19 décembre 1944, le peloton Girard reçoit l'ordre d'attaquer et d'occuper le village de Sigolsheim prés de Colmar, il doit être appuyé par des éléments de l’infanterie alliée.

La nuit tombe vite en décembre. L'attaque commence à 15 heures 40 mais la réaction violente de l'artillerie ennemie est si vive que les fantassins s'arrêtent et se replient. Pour leur rendre confiance les chars reçoivent l'ordre de foncer dans le village. Le peloton Girard entre à Sigolsheim et le traverse avec en tête, le char de l’aspirant  «  Fort de France «.  Les fantassins se reprennent  et  abordent les premières maisons. Mais la nuit est tombée et l’opération en est considérablement  gênée; les Allemands en profitent, sortent des caves des maisons et à coups de  « panzerfaust » font flamber trois chars. L'aspirant Girard donne l'ordre à son personnel de se replier pour rejoindre la base de départ ; resté le dernier à la pointe extrême du combat, ayant donné ses ordres jusqu’à l’évacuation des engins avec le calme d'un vieux baroudeur, il s'efforce de regrouper ses hommes mais les allemands sont de plus en plus nombreux : dans la nuit les rafales de mitraillettes se multiplient. L'une d'elles atteint grièvement Camille qui tombe en poussant un grand cri.

 

 

 

C'est le 12 janvier 1945 que l'aspirant Girard décédait en Allemagne où il avait été transporté.

 

A l'endroit même où le jeune officier tombait mortellement blessé et jetait à l’Alsace encore occupée  le cri d'espoir de la France combattante, la municipalité de Sigolsheim a inauguré le 16 décembre 1945  une plaque commémorative en son  honneur et une rue du village portera son  nom  lors Sigolsheim sera reconstruit. Ainsi, dès leur enfance les petits alsaciens mêleront aux noms familiers du vieux village, le nom d'un jeune français d'Afrique qui, à la fidélité de l'Alsace douloureuse répondit par le sacrifice  de sa vie, symbole de la fidélité des français d’outre-mer à la province martyre.

 

 

 

                                                                                              

   Cette notice de M.LUSINCHI,

Professeur au Lycée Gouraud,

est accompagnée d'un portrait

et de trois citations.

 

 

 

 

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17°

 

 

 

 

COMMEMORATIONS

A  SIGOLSHEIM

 

 

 

    LE 16 DECEMBRE 1945.  

INAUGURATION D’UNE PLAQUE

 

Extrait de l’article paru dans « Les Dernières Nouvelles du Haut Rhin » du 18.12.45

 

A  Sigolsheim fut ensuite inaugurée une croix avec une simple plaque à la mémoire de l’Aspirant Camille Girard du 2ème Escadron du 1er R.C.A. qui fut ici blessé mortellement. Un peloton de blindés sous le commandement de l’Aspirant Girard tenta de percer les lignes allemandes. Deux des cinq chars parvinrent jusqu’à la sortie du village, mais là furent détruits. Les occupants, dont l’Aspirant Girard furent soignés avec sollicitude par la population dans la cave de la maison Sparr. L’Aspirant Girard fut emmené en captivité et mourut dans un hôpital en Allemagne. Sa famille de Rabat, qui avait été informée des cérémonies organisées en son honneur, remercia par un télégramme et assura qu’en ce jour elle était en union de pensée avec Sigolsheim. Après la sonnerie Aux Morts et la Marseillaise l’adjoint Zehrfuss adressa des paroles de remerciements à la mémoire de l’Aspirant Girard. Si sa courageuse action avait réussi, Sigolsheim aurait été libérée et n’aurait pas subi par la suite de lourdes pertes. Une gerbe de fleurs fut déposée, puis le Colonel Robelin, en quelques mots de style militaire remercia de l’honneur fait à son Régiment et à ce héros.

 

 

 

Extrait de l’article paru dans « Le Nouveau Rhin Français » du 18.12.45

 

Aux pieds de la montagne sanguinaire

 

Sigolsheim commémore en une digne cérémonie ses victimes de la guerre et honore ses libérateurs.

Nous roulons à travers les ruines ; on remarque que partout les travaux de déblaiement ont été poussés activement. Aux maisons qui sont tant soit peu habitables flotte le drapeau tricolore en berne.

C’est journée de deuil aujourd’hui, journée commémorative pour les 37 victimes que la guerre a faites parmi la population de ce village laborieux. Le village-martyr veut aussi honorer en ce jour ceux qui ont laissé leur vie, il y a un an, pour sa libération.

 

Vers 10 heures arrivent les premiers invités officiels……..

Ils sont reçus par M. le Maire SPARR. Puis la musique et un détachement de soldats qui va rendre les honneurs militaires ……. Après la messe et le Libera, procession au cimetière……    

Les assistants se rendent ensuite en cortège, aux sons de la musique, à l’entrée Est de la commune où une plaque commémorative est apposée en mémoire de l’Aspirant GIRARD de RABAT qui fut blessé mortellement à cet endroit, puis évacué en Allemagne où il mourut....... La plaque est dévoilée, une superbe couronne déposée. Le Colonel ROBELIN, représentant le 1er R.C.A. remercie au nom de son Régiment pour les honneurs rendus à l’un de ses officiers. Suit la sonnerie Aux Morts…..

 

 

 

 

    14 JUILLET 1949.

                                                                                                 

INAUGURATION DE LA RUE « ASPIRANT CAMILLE GIRARD »

 

 

Extrait de l’article paru dans « Les Dernières Nouvelles du Haut-Rhin » du 19.07.49

 

 

 

Un 14 juillet mémorable à Sigolsheim

 

 

 

Ce 14 juillet restera longtemps gravé dans les esprits des habitants de Sigolsheim, grâce au concours de deux circonstances particulièrement mémorables, d’une part l’inauguration d’une nouvelle rue du village, rue qui portera désormais le nom d’un jeune aspirant blessé mortellement à Sigolsheim le 19 décembre 1944, Camille Girard ; d’autre part par la remise officielle de la Croix de Guerre à la commune par le Général de Lattre de Tassigny.

…….…. Distribution des Prix

…….…. Grand’messe chantée pour le repos de l’âme de l’Aspirant Girard. Dans un sermon magistral   le RP Wernert rappela les hautes qualités morales et chrétiennes du jeune soldat........


A l’entrée Est du village, une rue nouvellement tracée va être inaugurée. M. le Maire SPARR rend un hommage ému à la mémoire de l’Aspirant Girard, et salue la famille Girard venue de si loin pour répondre à l’invitation de la commune. Une écolière, à son tour, souhaite la bienvenue à la famille Girard et deux petites alsaciennes en costume lui offrent une gerbe     …….

Minute de recueillement, sonnerie au clairon, lecture est faite de la citation à l’ordre de l’armée, dont l’aspirant Girard a été l’objet…….

M. le sous-préfet, accompagné de Mme Girard découvre alors la pancarte portant le nom de la nouvelle rue et coupe le ruban symbolique……..

 

 

 

         L’après-midi, au cours d’une grande prise d’armes sur la place Rapp, à Colmar, la Croix de Guerre fut remise à la commune de Sigolsheim, par le Général de Lattre de Tassigny.    

 

 


 

 

14 JUILLET 1955.

INAUGURATION DE LA PLAQUE  COMMEMORATIVE

   

                                                                              

          Le 14 juillet prochain, la municipalité procèdera à l’inauguration d’une plaque commémorant le sacrifice de votre fils, tombé au Champ d’Honneur, pour la libération de notre Cité.

          Cette plaque est apposée dans la rue qui porte déjà son nom et à l’inauguration de laquelle vous avez bien voulu nous honorer de votre présence.                 

 

                                                                                                                                                                                                                                      Le Maire

 

 

 

 

 

 

 

 

paneaux

 

 

 

 

 

 

    40ème  ANNIVERSAIRE DE LA LIBERATION A SIGOLSHEIM

 

 

Un article pleine page paru dans « Dernières Nouvelles d’Alsace » du 6.02.85 relate cette journée.

 

 

Les cérémonies débutèrent le matin du 2 février 85 par la célébration d’une grand-messe du souvenir en l’église Sts Pierre et Paul.

 

Extrait de l’homélie du Curé Bach :

« Le grand vent de la mémoire s’est de nouveau levé sur notre village. Il a conduit chez nous Mme la Maréchale de Lattre de Tassigny, un ministre, des généraux, des vétérans et leurs amis, des jeunes militaires français et alliés et bien des héros militaires et civils.

Et en cette célébration souvenir, nous nous rappelons que cela s’est réalisé à travers de gigantesques affrontements où périrent tant de jeunes soldats parmi lesquels notre si honoré et inoubliable Aspirant Girard.

 

Pourquoi cet acharnement sur notre village ? Pourquoi ? Car il y eut un acharnement terrible et de par l’ennemi et de par les alliés eux-mêmes. Le sort de Sigolsheim s’est avéré celui d’un village à sacrifier. Sigolsheim est devenu un symbole des cités dévastées. Il y a 40 ans, en moins de deux mois, Sigolsheim est devenu le lieu d’un drame atroce qui transforma ce paisible bourg en un monceau de ruines, de décombres et de cadavres. »

 

Après l’office religieux, les officiels se rendirent rue de l’Aspirant Girard, afin d’y fleurir la plaque souvenir apposée sur le mur d’angle. Le Maire, Charles Sparr, entouré des deux frères et des deux sœurs de l’Aspirant, ainsi que toute l’assistance observèrent une minute de silence à la mémoire de celui qui donna sa vie lors du combat du 19 décembre.

 

L’après-midi, en présence de centaines d’anciens combattants venus de toutes les régions de France, se déroula une imposante prise d’armes à la Nécropole Nationale où sont regroupées les tombes de 1684 soldats de la 1ère Armée française.

 

 

Le « Chant des Africains » clôtura cet hommage impressionnant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        50 éme ANNIVERSAIRE du 19 DECEMBRE 1944  

                   

                                                                                                          Article paru avec photo dans  les « Dernières Nouvelles d’Alsace » du 20.12.94

 

 

 

EN MEMOIRE DE L’ASPIRANT GIRARD

                                                                                                                                                                                       

 

 

 

         Emouvante cérémonie dimanche, pour honorer la mémoire de l’Aspirant Girard, mortellement blessé le 19 décembre 1944 à Sigolsheim.

Une messe du souvenir est célébrée, puis la population s’est  rendu  rue de l’Aspirant-Girard où un dépôt de gerbe eut lieu devant la plaque commémorative.  Le Maire M. Sparr prit la parole et retraça la vie de l’Aspirant Girard :

<<   Il y a 50 ans, jour pour jour, l’Aspirant Camille Girard avec son peloton de 5 chars a été chargé de libérer la commune de Sigolsheim.

…….  (lecture d’un large extrait du Livre d’Or du Lycée Gouraud).

Après Kientzheim le 17 et Kaysersberg le 18, c’est le 19 décembre que Sigolsheim aurait dû retrouver la liberté dans la mère patrie. Malheureusement le destin en décidait autrement.

Aujourd’hui, personne ne doute que si l’engagement du 19 avait réussi, beaucoup de douleurs, de vies humaines et de souffrances auraient pu être épargnées.

La bataille de la poche de Colmar aurait certainement pris une autre tournure.

……. L’attaque qui a été retardée d’une heure, démarre vers 15h40 : le 1er peloton du 2ème escadron, 5 chars Sherman, se divise en deux groupes à la sortie de Kientzheim. La tactique est bonne, il s’agit de prendre  l’ennemi en tenailles. 3 chars – Fort de France, Fort National, Fort l’Empereur- prennent à gauche le untervogelgartenweg. Les chars Fort Dauphin et Fort Bayard  prennent à droite le chemin dit « Lerchenfeldweg ». Le groupe de 3 chars  bute sur le barrage anti-chars rue de l’Evêque. L’Aspirant Girard et le MDL Hénin  reconnaissent les lieux. Fort National  pointe son canon et ses mitrailleuses dans le petit chemin qui monte au chemin de la Croix du couvent des Capucines, chemin impraticable car plus haut il y a les vignes du « Vogelgarten », vignes en terrasses avec murets, en même temps il tombe en panne électrique.

L’Aspirant avec son char arrive à passer derrière les maisons dans les  priegel pour  rejoindre en contournant  2 autres barrages anti-chars, l’un rue du Vallon, l’autre rue Principale (Herrengasse) et fait la jonction avec Fort Bayard qui vient du moulin Fritz. Fort l’Empereur s’embourbe dans les priegel et après de vrais tours de force, arrive à se dégager tard dans la soirée. Fort Bayard et Fort de France, sur l’ancienne route départementale (maintenant « Route du Vin ») sont sortis du village mais l’infanterie américaine ne suit pas.

Fort Dauphin à son tour est en panne électrique chemin du chemin du Lerchenfeld, à 100 mètres du moulin.  Le chasseur Leussier part à pied voulant entraîner à sa suite une  partie de l’infanterie U.S. qui reste au moulin.  Leussier rend compte à l’Aspirant puis retourne à son char.

Le chasseur Rossi du Fort National bloqué rue de l’Evêque, escalade le barrage anti-chars juste en face de la maison Ringenbach. Il est blessé à la cuisse et emmené par les allemands. Il sera amputé de la jambe gauche. Le MDL Hénin est blessé au bras. Avec le reste de l’équipage ils attendent la tombée de la nuit afin de pouvoir regagner Kientzheim.

L’Aspirant est en contact radio permanent avec le capitaine Davout. Il demande des ordres voyant que l’infanterie U.S. ne suit toujours pas. Arrivé à la sortie du village, il s’arrête, ignorant qu’ils sont à quelques mètres seulement du P.C. allemand du major Vonalt (8 Route du vin) qui était avec une section de mortiers dont il n’y avait plus que 3 hommes et son adjoint. Il prévient le feldwebel (sergent chef Laich) qu’il y a 2 chars sans infanterie. C’est lui qui abat ces 2 chars à coup de panzerfaust à quelques minutes d’intervalle, du fossé à la hauteur du n° 4 Route du vin.

……. Pendant ce temps les allemands ont reçu des renforts et contre-attaquent à la mitraillette. L’Aspirant est gravement blessé, ses camarades restent un certain moment près de lui. Il leur donne l’ordre de regagner les lignes françaises ou américaines. Au brigadier Procureur qui le tient dans ses bras il dit : « laissez-moi ici. Pour moi la guerre est terminée ». Il est fait prisonnier par les allemands qui le transportent dans la cave de M. Pierre Sparr au 2 Grand’Rue.

Ruer, aide-pilote du char de l’Aspirant est également grièvement blessé mais ses camarades arrivent à le ramener dans la nuit à Kientzheim. L’équipage du Fort Bayard, sauf le MDL Sevin, croyant la côte 351 tenue par les américains, montent la côte et sont faits prisonniers : il s’agit de Procureur, Gaillard, Casaban et Cabirol.

Pour le reste du peloton, la guerre n’était pas finie.   >>

…… (Fin de l’allocution du Maire)

         Etaient présents à cette cérémonie : Le Maréchal des Logis HENIN et le Chasseur LEUSSIER, compagnons de combat de l’Aspirant Girard en ce 19 décembre 1944.

 

 

 

 

 

MESSE SOUVENIR LE 4 FEVRIER 1995

 

Extrait de l’homélie du Père Bach, curé de la paroisse de Sigolsheim.

 

Le 19 décembre dernier, quelques jours avant Noël, nous voulions nous souvenir avec ferveur et reconnaissance. C’était pour commémorer le 50ème anniversaire des durs combats qui ont sévi à Sigolsheim en décembre 44. Combats durs et acharnés, au cours desquels un jeune et vaillant officier français fut mortellement blessé.

Cet officier c’était l’Aspirant Girard. Avec joie il s’était engagé dans le 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord.

Aujourd’hui encore, l’événement et l’endroit de son sacrifice nous sont rappelés par une plaque commémorative dans la rue même où eurent lieu les combats. Depuis la reconstruction cette rue porte son nom :   Rue de l’Aspirant GIRARD.

 

En ce 50ème anniversaire de la Libération, alors que le grand vent de la mémoire s’est de nouveau  levé sur notre cité, je vous invite à prier avec ferveur pour notre bien-aimé et vaillant Aspirant Girard. Et je vous invite à associer à votre prière les intentions de sa famille, présente avec nous en ce moment, ici à l’église….

 

 

 

PLACE DU 19 DECEMBRE

Elle est située dans le quart nord-ouest de Sigolsheim, à proximité du Couvent des Clarisses.

 

 

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18°

 

 

hobel

 

Honneur à Kaysersberg, à Kientzheim, à Ammerschwihr, à Sigolsheim

qui ont formé, notamment du 16 au 19 décembre 1944, le pivot de la manoeuvre qui devait libérer

Colmar et l’Alsace tout entière.

Aussi  bien Sigolsheim est-il devenu le haut lieu des sacrifices consentis et abrite le mémorial qui porte témoignage devant l’histoire.

 

Général de SAINT GERMAIN

 

 

 

Echec à Sigolsheim : 19 décembre 1944.

 

 

 

Pages 71 à 74

 

 

 

 

…Par contre, on assista à l'échec de l'attaque sur Sigolsheim. Les ler et 3e Bataillons, 143e RIUS, 36e DIUS, avec l'appui des chars du peloton Girard, 2e Escadron, Ier RCA, attaquèrent à 14h à partir de Kientzheim en direction de Sigolsheim tandis que le 15e Régiment, 3e DIUS, nettoyait la côte 351 et coupait la route Sigolsheim-Bennwihr. Le Major Vonalt, commandant la place de Sigolsheim, avait reçu l'ordre suivant de Himmler : "Le Reichsführer SS Commandant en Chef Oberrhein vous adresse personnellement l'ordre suivant : "Organisez immédiatement la défense de Sigolsheim avec tous les moyens disponibles. Une unité décidée ne peut être chassée d'un village lorsque chaque maison est organisée en point d'appui. Ce que les Américains sont parvenus à faire à Sélestat, je l'attends aussi de vous et de vos hommes."

 

Le peloton Girard quitta Kaysersberg pour Kientzheim à 12h30. L'heure de l'attaque, initialement fixée à 13h30, fut retardée par les Américains. Le Peloton devait soutenir de ses feux, concentrés sur les lisières du village, la progression de l'infanterie américaine; occuper le village dès qu'il aurait été nettoyé de tout élément ennemi. En raison de la configuration du village, les chars étaient divisés en deux groupes : le 1er, celui de l'Aspirant Girard, devait traverser Sigolsheim, tandis que le 2e, conduit par le Maréchal Des Logis-Chef Forget, contournait le village par la droite pour s'opposer à un repli ennemi et rejoignait le 1er groupe à la sortie Est du village.

 

 Il est difficile d'établir les responsabilités et de déterminer pourquoi l'attaque échoua. Le récit de René Chambe ne concorde pas exactement avec celui du 1er R.C.A. mais il accuse l'infanterie de l'échec. Selon lui, au moment de l'attaque à 15h, "l'ennemi est sur ses gardes. Des rafales de mitrailleuses et d'obus anti-chars accueillent l'apparition des Shermans français et des voltigeurs américains, lesquels font excellente figure sous le feu". Puis les Alliés arrivèrent aux lisières de Sigolsheim. Et là, les Américains s'arrêtèrent, ne pouvant plus avancer. C'est alors que l'Aspirant Girard décida "d'entrer sans soutien dans Sigolsheim", où "l'ennemi ne réagit plus. Il semble qu'il se soit enfui et que le village ne soit plus occupé". Or les Américains ne suivaient pas. Chambe parle d'une infanterie "hésitante". Comment expliquer un tel changement de comportement ? Toujours d'après le récit de Chambe, à 17h16, l'Aspirant Girard aurait communiqué à Davout : "Je suis à la sortie du village, sans aucune infanterie et la nuit tombe". C'est alors que les Allemands auraient contre-attaqué et auraient détruit le char de Girard ainsi que plusieurs autres. Il n'y avait plus qu'à reculer. Et Chambe de conclure : "Sigolsheim est le prototype du combat de chars qui tourne mal, l'infanterie d'accompagnement n'ayant pu remplir sa mission. Si les deux sections d'infanterie avaient suivi les chars de l'Aspirant Girard, Sigolsheim eût été pris sans coup férir, probablement sans pertes et occupé définitivement".

 

 

 

         Le Journal de Marche du 1er R.C.A. insiste lui aussi sur les hésitations des Américains qui, toutefois, se seraient trouvés dans les premières maisons du village. Les Allemands eux aussi

          auraient fait preuve de nombreuses hésitations : pourquoi auraient-ils résisté assez violemment a 16h30 pour ne plus réagir que faiblement une demi-heure plus tard?

 

 Les rapports américains ne font aucune mention des événements rapportés par le 1er RCA ou par Chambe. Il est possible que les GIs, exténués par des semaines de combat, aient cédé à la panique au dernier moment. Il est également possible que les tirs d'artillerie soient venus des Américains eux-mêmes. En l'absence de documents précis il est difficile de partager les responsabilités de cette affaire.

 

Une rue du village porte le nom de l'Aspirant Camille Girard  depuis le 14 juillet 1949. A Rabat où il était parti chercher sa famille réfugiée, Favereau rencontra le père de l'Aspirant. Il lui dit que son fils avait été transporté dans la cave Sparr et qu'il était "relativement bien portant à ce moment-là". Un télégramme au maire de Sigolsheim n'apporta aucune précision supplémentaire. Malheureusement la famille Girard devait apprendre que leur fils était mort dans un hôpital allemand. Lorsqu'elle vint en Alsace quelques années plus tard, "la municipalité leur fit un accueil émouvant".

 

 Les troupes se replièrent en raison de la nuit. Une section de la compagnie I, sous les ordres du Lieutenant Blagrave, se trouva isolée car les Allemands s'étaient infiltrés dans ses positions. Les seize hommes furent portés disparus. Aucune patrouille envoyée à leur recherche le lendemain ne put pénétrer dans le village que les Allemands avaient réoccupé. La nuit fut particulièrement mouvementée au couvent en proie un incendie gigantesque allumé par les Allemands, comme le relate le RP Herrgott.

 

 Les combats avaient été très meurtriers pour les Allemands, comme l'indiquent les chiffres donnés par exemple pour le 326e GR qui occupait des positions sur les flancs des monts de Sigolsheim afin de protéger les accès de la ville. En effet il ne restait que 50 hommes à la 2e Compagnie et 10 à la 4e. Au soir du 19 décembre, le Régiment entier ne comprenait pas plus de 85 hommes.

 

 

 

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L'ASPIRANT GIRARD

 

1924 – 1945

 

 

 

Pages 211 à 213, avec portrait et citations

 

 

 

     Camille Girard a vécu son enfance au Maroc. De la 12e à la classe de Lettres Supérieures il a fréquenté le Lycée Gouraud de Rabat où il laisse le souvenir d'un garçon aux grandes qualités morales et pressé de vivre. Amour de la famille, piété intense, foi patriotique fervente alimentent précocement un enthousiasme exceptionnel.

 

     L'un de ses maîtres devait écrire toute son admiration pour ce grand garçon brillant au visage toujours souriant, mais modeste et serviable, d'une égalité d'humeur enrichie d'une sensibilité de poète:

                 "Tout en lui était franchise et pureté, son sérieux, son parfait équilibre intellectuel. Sa richesse de cœur, sa grandeur morale m'avaient frappé et séduit…"

 

     Voulant entrer dans l'ordre des Dominicains il désire préparer le concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure mais le débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942 l'interpelle au point de renoncer à ses études pour s'engager après avoir obtenu de son père l'autorisation indispensable, le 15 janvier 1943.

 

     Il gagne ses galons d'Aspirant à l'issue d'un court passage à l'école interarmes de Cherchell en Algérie et choisit l'unité combattante du l er régiment des Chasseurs d'Afrique.

 

     Dans le cadre de la 5e DB il se voit confier le commandement d'un peloton de 5 chars et la responsabilité de 5 sous-officiers et de 20 hommes pour être engagé dans les combats du Sundgau le 27 novembre 1944.

 

     Le mardi 19 décembre 1944, le peloton Girard reçoit l'ordre d'attaquer et d'occuper le village de Sigolsheim, il doit être appuyé par des éléments de l'infanterie alliée. La nuit tombe vite en décembre. L'attaque commence à 15h40 mais la réaction violente de l'artillerie ennemie est si vive que les fantassins s'arrêtent et se replient. Pour leur rendre confiance, les chars reçoivent l'ordre de foncer dans le village. Le peloton Girard entre à Sigolsheim et le traverse, le char, "Fort de France" de l'Aspirant en tête. Les fantassins se reprennent et abordent les premières maisons. Mais la nuit tombée gêne considérablement l'opération, les Allemands en profitent, sortent des caves des maisons et à coups de "Panzerfaust", font flamber trois chars. L'Aspirant Girard donne l'ordre à son personnel de se replier pour rejoindre la base de départ. Resté le dernier à la pointe extrême du combat ayant donné ses ordres jusqu'à l'évacuation des engins avec le calme d'un vieux baroudeur, il s'efforce de regrouper ses hommes, mais les Allemands sont de plus en plus nombreux. Dans la nuit les rafales de mitraillettes se multiplient. L'une d'elles atteint grièvement Camille Girard, qui tombe en poussant un grand cri. Ramassé par les Allemands il sera porté disparu.

 

 

     Huit mois plus tard, le 8 août 1945, un prisonnier français libéré adressait à sa famille la photo d'une tombe de Bad-Harzburg, dans le Braunschweig (près de Berlin). Sur la croix on pouvait lire 

      le nom de l'Aspirant Girard Camille et la date du 12 janvier 1945. Trois prisonniers français entouraient la tombe de celui qu'ils avaient porté en terre.

 

     En 1946, des recherches permirent de savoir qu'il était mort sans qu'aucun Français n'ait pu l'approcher. On apprit aussi la cruauté de ses blessures, sa paralysie et par quel terrible voyage il fut    conduit à Bad-Harzburg, après son évacuation sur Colmar.

 

     Il avait 20 ans....

 

     Camille représente magnifiquement l'élan généreux de toute une jeunesse qui a jugé qu'il était de son devoir de contribuer à libérer la France avant de penser construire sa destinée individuelle... et n'a plus eu le bonheur de vivre la Paix retrouvée.

 

    A Sigolsheim on n'oubliera jamais  "la victime innocente au regard d'enfant".

 

                                                                                                                                                                                                Georges BUCHBERGER

 

 

 

 

 

   "La guerre est une école d'humilité et donne réellement le sentiment de la faiblesse et de la petitesse humaine".

                                                                                                              Lettre de Camille Girard à ses parents.

 

 

 

 

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19°

 

 

ECOLE D’APPLICATION DE L’INFANTERIE.  MONTPELLIER

 

BAPTEME  DE LA PROMOTION  «  ASPIRANT GIRARD «

 

 

 

Présidée par le Général IMBOT, une cérémonie s’est déroulée sur la place d’armes du quartier Guillot, à l’occasion du baptême de la promotion 803 des Elèves Officiers de Réserve, qui portera le nom d’  ASPIRANT  GIRARD.

Le capitaine Lebourg, commandant de la promotion, lut alors le récit du combat au cours duquel l’aspirant GIRARD s’illustra :

«  Décembre 1944. La 1ère Armée française, aux ordres du général de LATTRE, renforcée d’une division américaine, achève la libération de l’Alsace en tentant de réduire la poche allemande de Colmar.

La 1ère Armée, débouchant des vallées vosgiennes, n’est plus qu’à 6 km au nord de Colmar.

Le village de SIGOLSHEIM verrouille le dernier accès à la ville.

Le 19 décembre, une compagnie américaine reçoit pour mission de s’emparer de SIGOLSHEIM. Un peloton français de SHERMAN, commandé par l’aspirant GIRARD, doit appuyer cette action.

A 15 heures, l’attaque est déclenchée, appuyée par les chars qui neutralisent les lisières. Les fantassins sont bloqués et s’enterrent sans pousser jusqu’aux premières maisons.

Pour entraîner l’Infanterie, l’aspirant GIRARD charge avec son peloton et pénètre en trombe dans le village. Sans protection rapprochée, la progression des blindés se heurte rapidement à une barricade minée et tenue. GIRARD reconnaît à pied un itinéraire de débordement et s’y engouffre avec ses chars. Il parvient au centre du village mais l’infanterie n’a pas suivi et la nuit commence à tomber.

Les SHERMAN poussent audacieusement jusqu’aux dernières maisons.

Le village est virtuellement pris, mais les chars sont isolés.

.Soudain, profitant de la nuit, l’ennemi qui s’est rendu compte du manque de protection des blindés, contre-attaque. Les panzerfaust tirent, les grenadiers donnent l’assaut aux chars. Les aides-pilotes, juchés sur les tourelles, ripostent à la mitraillette. Deux SHERMAN sont atteints et brûlent.

Le char de GIRARD brûle à son tour. L’aspirant appelle désespérément l’infanterie par radio. Il reçoit l’ordre de ressortir du village et d’attendre l’infanterie. Avant de décrocher, il part seul pour rallier l’équipage qui combat toujours à pied. Un groupe ennemi l’aperçoit et le somme de se rendre. Il refuse ; un cri déchire la nuit : l’aspirant GIRARD est tombé, atteint de plusieurs rafales de mitraillette. « 

Le défilé des troupes clôturait la prise d’armes.                                                                                                                 

                                                                                                                                                                    MIDI LIBRE du 20 mai 1978

 

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20°

 

 

 

 

SAUMUR -   ECOLE D’APPLICATION

DE L’ARME BLINDEE CAVALERIE

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PROMOTION  «  ASPIRANT CAMILLE GIRARD  «

 

29  MAI  1998

 

 

 

 

 

 

 

 

insigne

 

Héraldique de l’Insigne

 

   Ecu de fantaisie composé d’une Croix de Guerre 1939-1945 brochée d’un sabre en pal d’argent gardé d’or  adextré d’une carte d’Afrique du  premier métal (couleur sable) chargée d’un cor de chasse surmonté du chiffre ‘1’ accompagné du nom  ‘ ASP GIRARD’  en capitales en pal, le tout d’argent, senestré de l’attribut de l’Arme blindée et de la Cavalerie chargeant un ruban aux couleurs de la Croix de Guerre 1939-1945 à une palme et une étoile d’or, l’ensemble mouvant de la lame.

 

 

 

 

PORTRAIT DE L'ASPIRANT ET RECIT DU COMBAT

diffusés au début de la cérémonie

 

   

 

      CAMILLE GIRARD

 

Cadet d'une famille de cinq enfants, grandit à Rabat où il vit le jour le 23 mars 1924.

Il entre en classe préparatoire au concours d'entrée à l'Ecole Normale Supérieure au Lycée Gouraud en 1942, à l'âge de 17 ans.

 

L'image que cet adolescent offre à ses proches est celle d'un jeune homme enthousiaste, cultivé et plein d'esprit, dont un de ses maîtres a pu écrire :

"Tout en lui était franchise et pureté. Son sérieux, son parfait équilibre intellectuel, sa richesse de cœur et sa grandeur morale m'avaient frappé et séduit".

 

Le débarquement allié en Afrique du Nord conduit alors sa conscience du devoir à maturité. Camille GIRARD répond spontanément à l'appel de la patrie occupée. Le 15 janvier 1943, il contracte un engagement pour la durée de la guerre et intègre l'Ecole Militaire de Cherchell en Algérie. Sorti Aspirant, il rejoint le 1er Régiment de Chasseurs d'Afrique, le 2 mai 1944.

Il prend la mer à Oran le 14 septembre 1944 et débarque à St Raphaël le 21 septembre.

 

A la tête d'un peloton de chars, l'Aspirant GIRARD ne dissimule pas la joie qu'il tire de sa contribution à la bataille pour la Libération :

" Je suis fier et heureux, écrit-il à sa famille, de me trouver à la tête de 5 chars, 5 sous-officiers et 20 hommes. Une haute responsabilité, et je vous demande de prier pour que je sois digne de cet honneur".

 

Au sein de la 5ème Division Blindée, il participe aux combats de Sundgau le 27 novembre 1944. Il est ensuite présent dans les affrontements à Ammertzwiller, puis à Gildwiller.

 

Le mardi 19 décembre, l'Aspirant GIRARD reçoit l'ordre d'appuyer un bataillon de la 36ème Division d'Infanterie Américaine, afin de s'emparer du village de SIGOLSHEIM près de Colmar. Accompagné du Maréchal des Logis Hénin, il guide son peloton vers la rue principale. La lutte semble tourner à l'avantage des Alliés. Cependant la progression de l'Infanterie est trop lente et déjà la nuit tombe. Les chars, isolés dans le village, offrent une vulnérabilité dont l'ennemi espère tirer profit. Une lutte acharnée se déroule aux abords des engins: 2 chars ont été touchés.

A 17h28, "Fort-de-France", le char de l'Aspirant GIRARD est à son tour frappé par une arme anti-char. Alors que son Capitaine donne l'ordre de faire replier ses hommes, l'Aspirant GIRARD se porte au secours de l'un de ses équipages dont le char "Fort National" est en feu. Une patrouille ennemie le surprend et le somme de se rendre. Celui-ci refuse et s'écroule, balayé par une rafale de mitraillette.

 

    Grièvement blessé, il est fait prisonnier et emmené en Allemagne où il est soigné dans un hôpital  militaire. Là-bas, il succombe à ses blessures le 12 janvier 1945.

 

 

L'Aspirant Camille GIRARD n'incarne pas seulement les vertus héroïques du soldat, mais symbolise la vivacité du patriotisme d'un jeune homme de 20 ans, citoyen d'un pays libre et prêt au sacrifice personnel pour le bien de tous.

 

 

CE SOIR, NOUS VOULONS LUI RENDRE HOMMAGE

 

 

 

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ALLOCUTION PRONONCEE PAR LE GENERAL J-C PELLETIER

 

Commandant l'Ecole d'Application

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Jeunes Elèves-Officiers de Réserve de la Promotion "Aspirant Camille GIRARD"

 

      Curieusement, le parrain que vous avez choisi n'a jamais servi dans les murs de cette Ecole. Il n'a d'ailleurs probablement jamais connu Saumur: en 1943, au moment où il s'est engagé, la ville était sous l'occupation allemande.

       Mais ce jeune Français du Maroc est bien un pur Officier de Réserve de l'Arme Blindée Cavalerie.

Sa trop courte carrière a fait de lui un digne successeur des glorieux Cadets de Saumur dont, après un court séjour à Cherchell, il a repris le flambeau au 1er Régiment de Chasseurs d'Afrique. Ce brillant Régiment, qui vient d'ailleurs d'être recréé à Canjuers, a pendant longtemps tenu garnison au Maroc, son pays d'origine.

       Il fallait du courage, un patriotisme profondément enraciné, une abnégation certaine pour, en 1943, à moins de 19 ans, abandonner de brillantes études et s'engager pour des combats périlleux.

       Ces combats difficiles, il les a connus dans le sud de l'Alsace au cours du dur hiver 44-45, alors que les Allemands s'accrochaient opiniâtrement et défendaient la place contre la 1ère Armée française du Général de Lattre.

        L'Aspirant GIRARD a, au cours de ces furieux engagements, toujours montré les plus belles qualités d'homme, les plus belles qualités de chef de peloton, avec allant, dynamisme, toujours vers l'avant. Ce sont d'ailleurs ses belles qualités humaines et son sens permanent de l'humain qui lui furent fatales. C'est en effet en allant porter secours à l'un de ses subordonnés qu'il fut mortellement blessé.

        La carrière de ce jeune héros fut brève, mais son souvenir demeure vivace parmi ceux qui l'ont connu, en particulier ses compagnons d'armes. Souvenir d'un jeune officier chaleureux, dynamique, mais surtout en permanence conscient des responsabilités de chef qu'il détenait. Souvenir aussi de l'homme de cœur, à la morale exemplaire, au patriotisme pur et désintéressé.

 

        Ce souvenir,

 

Jeunes Elèves-Officiers de Réserve de la promotion "Aspirant Camille GIRARD"

 

vous avez décidé de le faire vôtre.   

Vous avez pris par cette décision une lourde responsabilité, celle de vous montrer en permanence dignes de lui.

 

         Dignes de lui certes, si - un jour que l'on ne voit pas paraître approche l'ennemi - la France faisait appel à vous.

         Mais dignes de lui en permanence dans votre vie quotidienne, dans votre vie d'homme, de responsable, d'exécutant, dans votre vie professionnelle comme dans votre vie familiale ou votre vie personnelle.

 

         L’Aspirant GIRARD, dont je salue avec reconnaissance la famille,

   

          L’Aspirant GIRARD doit être pour vous une étoile claire et brillante qui vous guide dans le beau chemin d'Officier de Cavalerie.

 

Marchez avec détermination sur ses traces. C'est la bonne voie.

Tous mes vœux vous accompagnent pour la belle aventure d'Officier que vous débutez aujourd'hui.

 

 

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LUMIERE  DE  RABAT

 

Chant créé en hommage  à l’Aspirant Camille Girard

lumiere_de_rabat.wma

 

 

hymne

 

 

 

 

 

André MOUGENOT  président de l'Amicale des Anciens du 1er R.C.A.

à l'aspirant HUA, président de la Promotion. (Avril 98)

 

Je suis satisfait de savoir qu'enfin votre Ecole va donner son nom à votre Promotion. Soyez-en fier car son attitude au combat a été des plus exemplaires et son refus d'accepter la défaite doit être un exemple pour tous.

 

                                              Lt-Colonel GIRAUD-CHAREYRON, Cdt de Promotion, à ses Aspirants:

 

En choisissant l'Aspirant Girard comme parrain de promotion, vous avez manifesté le désir de vous identifier à celui qui incarne les plus belles vertus militaires et cavalières. Son culte de l'honneur, son sens du devoir, son enthousiasme l'ont poussé à accomplir les tâches les plus héroïques. Forgeant l'admiration de ses hommes par son exemple, il a su les élever vers le plus noble idéal.

Cette valeur d'exemple vous vaudra demain d'être respectés et suivis.

 

                                              Aspirant GARNIER dans Le Carabinier n°7, juillet 98, mensuel de l'Ecole.

 

…… Rassemblés dans la cour d'Austerlitz, les 26 E.O.R. de la promotion "Aspirant Camille Girard" ont accepté ensemble de suivre la trace de leur parrain qui sut assumer son engagement d'homme libre et d'officier français jusqu'au sacrifice suprême.

Destin bref mais ô combien héroïque. L'Aspirant Girard a incarné tout au long de sa courte carrière les plus belles vertus de l'officier de cavalerie: sens du travail bien fait, élégance intellectuelle, fidélité à la parole donnée, esprit d'entreprise, courage éclatant devant l'ennemi...

Il est des hommes qui naissent et meurent pour être suivi, aimés et admirés. L’aspirant  Girard appartient indéniablement à cette catégorie d'individus. Tous ceux qui l'ont côtoyé ont été marqués par sa maturité précoce et son refus constant de toute forme de médiocrité.

Très loin de la guerre et de l'héroïsme de leur parrain, les aspirants de la promotion "Camille Girard" ont fait, cinquante ans après, un choix similaire...

 

 

 

 

 

 

 

 

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21°

 

 

 

 

Promotion Canjuers 2017

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22°

 

 

A   CUSSAC   FORT MEDOC

 

 

INAUGURATION  D'UNE   RUE  ASPIRANT GIRARD

 

 

 

 

 

EXTRAIT DU DISCOURS PRONONCE PAR M. MARTIN, MAIRE DE CUSSAC

 

 

Le 5 juillet 2003

 

 

 

 

 

     Notre Commune CUSSAC FORT MEDOC est, depuis 1970, jumelée avec une Commune d'Alsace: SIGOLSHEIM. Ce jumelage contracté par un engagement solennel fut signé par Monsieur DIETRICH, maire de SIGOLSHEIM à cette époque, et Monsieur Bertrand BOUTEILLER, ici présent, maire de CUSSAC FORT MEDOC à la même époque.

 

     Les années ont passé. Lors d'une cérémonie commémorative de la libération de SIGOLSHEIM, intervenue en 1944, un hommage est rendu à l'Aspirant GIRARD.

 

     Celui-ci, à la tête de son groupe de chars appartenant à la 5ème D.B., se retrouva isolé, au péril de sa vie, dans le village en flammes. Il fallait maintenir la position coûte que coûte. L'Aspirant GIRARD est grièvement blessé. Fait prisonnier, il est évacué en Allemagne où il décède.

 

     Cet acte de bravoure, comme beaucoup d'autres accomplis par des soldats qui se sont sacrifiés pour libérer notre pays, a aussi sa résonance à CUSSAC FORT MEDOC, car nous sommes jumelés à SIGOLSHEIM. Eu égard au sacrifice de cet homme pour notre Commune jumelle, le Conseil Municipal et moi-même avons souhaité donner son nom à cette nouvelle route d'accès au Fort Médoc.

 

 

 

 

 

 

cussac

 

 

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23°

EXTRAITS DE LETTRES A SA FAMILLE

 

 

 

 

DEBARQUEMENT EN FRANCE

 

 

 

 

17.09. 44   entre Sardaigne et Baléares

... Le jeudi 14 à 14 h nous allions prendre notre place à Mers-el-Kebir dans un convoi de 40 bateaux. Puis, impression inoubliable de force, ce convoi piquait vers le Nord-est ... Mer d'huile jusqu'à aujourd'hui ... Vendredi à 20 h au large de Tipasa ... Le samedi matin nous piquions vers Marseille ...

 

22.09.44  

Je vous écris assis sur un tapis marocain contre un grand arbre bien français, dans un sous-bois bien français. Forêt magnifique, soleil sous les arbres, gazon, eau à deux pas. Mais remontons plus haut: lundi soir une tempête s'est levée dans le golfe du Lion  lorsque nous arrivions ... Bien vite nous avons "roulé" d'une façon inimaginable et c'était vraiment un spectacle impressionnant que ces 40 immenses bateaux à fond plat ballottés comme des bouchons de liège et qui n'arrivaient à avancer dans leur direction qu'à grand peine.( j'ai passé presque toute ma traversée au poste de vigie avec les officiers de quart) ... Le lendemain matin cela continuait et à 12h30 j'avais la grande joie, inexprimable, de revoir la terre française.  Nous avancions vers la baie de St Tropez lorsque la tempête augmentant, les 38 chars, se détachant, se sont mis à se déplacer et à frapper tour à tour à droite et à gauche dans la cale. Rapidement le bateau s'est placé de telle façon qu'il n'a plus penché que d'un côté et nous avons pu bloquer les chars. Mais sur d'autres bateaux la situation a été plus critique encore. 3 hommes sont allés à la mer.  Spectacle inoubliable que ces petits villages français défilant à nos yeux lentement dans la tempête ... Le jeudi 21 nous débarquions au Dramont . Aussitôt nous foncions sur la route et je ne peux vous décrire l'accueil épatant des Français et mes sentiments. J'étais profondément remué et heureux. Ces jours sont parmi les plus beaux de ma vie. Ah oui, la France est belle, immensément belle et après 1 an 1/2 de bivouac en Afrique le contraste n'en est que plus violent ...

 

 

 

24.10.44  vers Besançon

... C'est démoralisant lorsque l'on voit la vie continuer comme autrefois, les étudiants qui prennent les places, les concours qui ont toujours lieu etc. etc...

Mon lieutenant a été blessé à la main et j'ai eu son peloton pendant quelques jours: j'ai manœuvré devant 2 colonels qui m'ont fait plancher et m'ont fait beaucoup plus de compliments que de critiques ...

 

 

 

 

LE   BAROUD

 

 

 

20.11.44

Moral excellent. Le capitaine est le vainqueur de Montbéliard. Accueil émouvant. Ai été embrassé près de 100 fois ! ... Espère faire du bon boulot bientôt.

 

23.11.44   

C'est dans la forêt entre Vellescot et Chavannes le 21, que j'ai eu le baptême du feu: nous étions en position d'attente en vue d'un village tenu par les boches et ceux-ci nous arrosaient d'artillerie et de minen. J'étais à terre avec mon équipage. 3 minen sont arrivés à 20 mètres. Je n'ai pas eu le réflexe de me planquer et soudain j'ai vu arriver qlq chose et aussitôt, du bruit infernal, vent poussière flamme, j'ai été éraflé à la joue par un éclat mais de l'autre côté de la route un homme tombait les jambes criblées et mon chargeur avait 3 éclats ... Hier moins de chance: mon char s'enlise au moment de l'attaque de Chavannes. Les boches me l'ont payé cher. Plus gonflé que jamais. Moral excellent mais pluie ... J'ai très peu de temps et pense à manger, dormir, me chauffer. Ne manque de rien et tire mon chapeau à nos biffins ...

 

25.11.44

Moral excellent. Viens de prendre commandement d'1 peloton d'1 lieutenant blessé. Mon camarade Aspirant R* également blessé. Les boches sont des salopards mais on leur mène la vie dure. Deviens peu à peu un vieux...baroudeur ! On n'en apprécie que mieux cette après-midi où l'on va pouvoir se déshabiller et se changer de linge après près de 15 jours. Mais je me porte mieux que jamais. Hélas ! villages détruits,  bétail décimé, population disparue ou abrutie par bombardements.  Cela passera et je vous dirai que je ne crains rien plus que la pluie !!

 

29.11.44

1 journée de repos ... J'ai attaqué et pris avec mon peloton et 1 section d'infanterie 2 villages dont 1 après 5 heures d'attaque de nuit ... Je suis en pleine forme et suis heureux de m'être pas mal comporté pour mes premières armes; ai eu félicitations du Colonel pour attaque de nuit. Moral excellent. Ne m'en fais pas du tout et ... espère faire mieux la prochaine fois ...

 

30.11.44

... Je commande donc actuellement un peloton de chars moyens et vous pouvez penser si j'en suis fier. D'autre part je voudrais vous dire la joie que l'on éprouve à délivrer des Français, lorsqu'après plusieurs heures d'attaque, bombardement, mitraillage (et au dernier village je m'étais mis en tête de mon peloton) l'on pénètre doucement dans un village, on voit sortir des caves  des prisonniers bras en l'air. Souvent officiers en tête et bientôt après la population sort de ses abris ... puis vous reçoit en pleurant ... Je vous demanderai de prier et de faire dire une ou deux messes pour le repos de l'âme des morts et disparus de l'Escadron et du Régiment. En voilà 5 déjà dont 2 pères de famille qui périssent brûlés. Mais je vous dirai qu'on ne pense pas à tout cela et actuellement j'ai atteint cet état d'indifférence où l'on tue tout ennemi sans même tourner la tête. Ce qui me fait le plus de peine cependant c'est la mort d'un légionnaire qui s'était mis devant mon char et s'est dressé lorsque je tirai au 75 ... Et j'ai dû aussi tirer sur le clocher d'une église et dans le porche car il y avait des tireurs isolés. Enfin Dieu me pardonnera ... Pour le moment je suis en pleine forme: moral excellent gonflé à bloc ...

 

2.12.44

... Suis toujours très heureux mes nouvelles fonctions chef de peloton. Le baroud est 1 question de "po"  et  peu après vient la perm.

3.12.44

... Je te demanderai de prier pour tous les soldats qui tombent. Oui ! Je viens de vivre 15 jours de vie intensive. Je l'ai échappé belle plusieurs fois et je rends grâce à Dieu d'avoir encore mes quatre abattis ...

 

3.12.44

... Le char n° 29 de mon peloton a brûlé il y a 3 jours et le chef B* a péri ... L'aspirant R* a reçu du 88 s'est sorti de son char avec le pied abîmé, son tireur est mort peu après et les 3 autres ont brûlé ... J'ai pris 3 villages avec mon peloton et des camarades légionnaires... vous voyez que je deviens un vieux baroudeur !!! J'ai toujours eu un "pot du diable" comme on dit ici, puisqu'au dernier village, 2 boches se sont dressés successivement tout près de mon char (et je ne les avais pas vus) avec leur fameux bazooka ils "épaulaient" déjà mon char lorsqu'ils ont été descendus par l'infanterie !! ... Le boulot char est vraiment formidable et je suis emballé. Le Général a cité en exemple 2 actions auxquelles j'ai participé dont celle de nuit d'Ammertzwiller. C'est bien peu de chose et je vous assure qu'à ce moment-là on ne pense qu'à faire son boulot le mieux possible et le plus proprement possible.

 

7.12.44

... Je peux toujours assister à la messe tous les matins et c'est un grand réconfort. Demain nous allons assister à l'enterrement de 3 camarades carbonisés ...Le RP Etienne dit la messe ... Je suis toujours heureux et fier de me trouver à la tête de 5 chars, 5 s/officiers et 20 hommes. C'est une lourde responsabilité et je vous demanderai de prier que je sois digne de cet honneur et que je mérite la confiance de mes chefs. Les petits gars sont vraiment épatants et sont tous "gonflés" à bloc. (petits gars: il est vrai qu'un seul est plus jeune que moi !!). Je fais terriblement "vieille barbe" !! Je vous dirai d'autre part que pendant ces quelques journées précédentes, je me suis senti terriblement petit garçon; la guerre est une école d'humilité et donne réellement le sentiment de la faiblesse et de la petitesse humaine; on voit soudain son voisin tomber. J'ai l'impression qu'on arrive jamais à se défaire des impressions et des visions de ces journées-là. Mais je vous dirai que cela ne m'impressionne pas du tout et que ces jours-là je suis heureux car on se sent tout autre et comme avec des forces et des sens décuplés. Et l'on a un nouveau goût très doux à la vie ensuite et je ne peux alors que dire un "Fiat" et m'endormir comme un caillou... après avoir rêvé...à la prochaine permission !! Et tous les détails matériels de la vie vous paraissent si bêtes alors !! ... Je vous répète pour la nième fois que vous n'avez pas à vous en faire et que pour ma part je suis gonflé à bloc, moral super excellent et santé itou. Un point c'est tout et quoiqu'en pensent les journalistes, les jeunes n'ont pas besoin de la pitié ni de l'apitoiement de l'arrière !!

 

10.12.44

... Il neige ...Les jeunes continuent leur vie normale dans beaucoup de coins de France. A Paris, les chahuts d'étudiants continuent comme auparavant ... Les permissions commencent demain, mais par ceux de France d'abord ... L'Alsace est un pays très joli ...

 

11.12.44 

… Ce qu'il y a de plus épatant dans les chars, c'est la radio. On se sent vivre avec les autres, on les entend presque respirer, on suit les phases du combat à distance. Deux fois j'ai compris que des copains venaient de trinquer car ils s'arrêtèrent de parler en plein milieu d'une phrase. Et puis on tient ses types en main. On a vraiment de quoi être gonflé et ne pas s'en faire ... On m'a annonce officieusement que je suis cité avec croix de guerre. Cela m'a bien fait rire car on ne fait que son "boulot" et le tout est d'avoir du "po". Je t'assure que si la nouvelle est exacte, c'est moins dur à décrocher qu'un oral de bachot de philo ...

 

12.12.44  A son frère Emilien.  - Sa dernière lettre -

  Mon courrier va peut-être se ralentir quelque peu mais garde ça pour toi.  Mon cher vieux frère, il ne me reste plus qu'à vous demander de bien prier pour moi et pour tous ceux qui vont encore tomber.  Passez de bonnes vacances de Noël... dans 13 jours déjà ! Je vous embrasse tendrement en vous disant à bientôt.  Cam’                                                            

 

 

 

 

 

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24°

 

LE CHANT DES AFRICAINS

 

 

 

 

REFRAIN

 

 

C’est nous les Africains

Qui arrivons de loin

Nous venons des Colonies

Pour défendre le pays

Nous avons laissé là-bas nos parents nos amis

Et nous avons au cœur

Une invincible ardeur

Car nous voulons  porter haut et fier

Le beau  drapeau de notre France entière

Et si quelqu’un venait à y toucher

Nous serions là pour mourir à ses pieds

Battez tambours

A nos amours

Pour le pays

Pour la patrie

Mourir au loin

C’est nous les Africains

…………

 

                               Quatrième couplet

Et lorsque finira la guerre

Nous rentrerons dans nos gourbis

Le cœur joyeux et l’âme fière

D’avoir libéré le pays

En criant, en chantant, en avant…

 

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25°

 

 

 

 

EXTRAIT DU «PARIS PRESSE» du 26 décembre 1944

( de notre correspondant de guerre Charles FAVREL )

 

 

« Au pied des sapins de neige qui évoquent la Nativité»

J’AI RECUEILLI LES AMERES PENSEES DE CEUX QUI NE CRAIGNENT PAS LA MORT

 

 

FRONT DE LA 1ére ARMEE – Décembre 44

 

 

« Ce n’est rien de savoir que nous sommes condamnés à mort, ce qui est dur, c’est de ne pas sentir la France derrière nous.»

 

Cette phrase de l’un d’eux, lâchée, un matin de cafard, est aujourd’hui le slogan de milliers de soldats. Cette phrase, faut-il vous l’expliquer ou sentez-vous tout de suite qu’elle est tristement, affreusement vraie?

 

Mais si vous pouviez la comprendre, ils ne la diraient pas, alors écoutez:

 

Ils débarquèrent un matin de Juin ou un soir d’Août et pour avoir le droit de vivre cette minute chargée des espoirs de tant d’années d’exil, venus d’Angleterre ou évadés d’Espagne, engagés d’Afrique, ils avaient baroudé sous bien des latitudes.

 

Leur exemple ayant porté ses fruits, une armée était née, une armée d’Empire, cette Armée d’Afrique qui de Tunisie aux abords de Florence avait fait claquer haut et fort un Drapeau qu’en France on n’osait plus montrer.

 

Ils étaient donc parvenus enfin sur cette terre retrouvée de la Patrie dont ils avaient connu les malheurs et ils se battaient avec la foi ardente de leur cœur innombrable. Ah, ce ne fut pas long, ils volèrent de victoires en victoires jusqu’aux marches vosgiennes. A bout de souffle, ils se comptèrent pour reformer leurs rangs avant de s’élancer pour un dernier assaut dont l’Alsace allait être l’enjeu.

 

Ils s’aperçurent alors que chaque ville, chaque hameau de la France délivrée étaient autant de cimetières qui marquaient les étapes de leur épopée. Ils avaient vu les populations délirantes les acclamer sur leur parcours glorieux et ils pensèrent que leurs morts n’étaient pas morts en vain.

 

Cependant les semaines passaient, la pluie, le froid, la boue, la neige vinrent s’ajouter aux affres de la guerre, le martyre quotidien des souffrances prosaïques et ils étaient toujours là, acharnés à se battre de champ en champ, de maison en maison. Quelques uns, volontaires de l’Intérieur, étaient venus les appuyer de leur enthousiasme, mais ceux-ci ne pouvaient tenir à eux seuls, la place béante des autres qui n’étaient plus.

 

 

 

 

 

UNE FRANCE LOINTAINE

 

 

C’est alors que les combattants de l’Armée d’Afrique regardèrent derrière eux et c’est alors qu’ils découvrirent une France souvent lointaine, parfois indifférente. Bien sûr cette France là n’était pas toute la France, mais c’est à cette France là qu’ils ont deux mots à dire, deux mots qu’ils veulent qu’on entende, deux mots qu’ils m’ont demandé de répéter pour eux.

 

Leur Général d’Armée a voulu les devancer dans cette explication, de guerriers à Nation et il s’exprime en termes pathétiques:

 

« Vous les avez vus se battre, sur la brèche depuis quatre mois, certains depuis un an, d’autres depuis deux ou cinq années; ils sont fourbus et, cependant ils accomplissent des exploits surhumains. Jamais vous ne célébrerez assez leur magnifique allant.»

 

Oui, bien sûr, mais ceux qui sont en ligne n’ont pas pour s’exprimer les phrases châtiées des langages d’Etat-major. Ils disent:

 

«Vous respirez maintenant. C’est votre droit. Nous ne sommes pas des puritains, on comprend la vie, on ne demande pas la fermeture des boîtes de nuit, parce qu’on sait que des milliers de gens en vivent et parce qu’on serait heureux d’y trouver une détente si on nous envoyait en permission.

 

Mais on voudrait entre l’arrière et nous, sentir un lien de compréhension, d’affection; on voudrait que le verre de pinard, le beefsteack et le paquet de perlot ne soient pas réservés aux trafiquants du marché noir. On voudrait que la guerre que nous poursuivons ne soit pas seulement notre guerre, mais celle de tout le monde. On voudrait pouvoir travailler dans l’esprit de vaincre, on voudrait enfin ne pas se faire insulter par ceux qui osent croire, comme l’a fait un journal de Franche-Comté, qu’on n’a plus besoin de nous, qu’il est temps de nous renvoyer en Afrique.

 

Plus besoin de nous? Oui, parce-que nous sommes morts. Ce n’est pas de la littérature, ce sont des chiffres. Car il faut que vous sachiez que nos Régiments d’attaque ont été entièrement refondus. Il faut que vous appreniez que des équipages de chars ont sauté deux fois, si ce n’est trois. On pourrait vous citer, telle unité dont la dotation est de 17 chars, qui vient de recevoir son 56éme engin de remplacement.

On pourrait vous entretenir aussi des statistiques d’une formation qui accuse 80% des pertes en Officiers depuis la date du débarquement.

 

Vous n’avez pas su comprendre que la guerre n’était pas finie, que vous deviez nous soutenir en vous attelant aux brancards parce qu’il y avait une France à refaire, des usines à reconstruire, des routes à réparer, des soldats à former.

 

Vous nous avez pris pour des mercenaires qui allaient se taper le boulot pendant que vous pourriez vous installer dans votre tranquillité nouvelle.

Nous étions français et vous ne nous avez pas reconnus. Tant pis pour vous. Vous savez bien qu’on ne va pas lâcher maintenant qu’on est là, mais faites votre examen de conscience et ne découvrez pas trop tard que ceux qui meurent pour vous ont choisi la meilleure part.»

 

 

Car quelques-uns de ceux qui, ces jours derniers, m’ont tenu ce langage

sont tombés hier au pied des sapins de neige qui évoquent le décor de la Nativité.

 

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26°

 

 

 

 

Le Général de Lattre de Tassigny

Commandant de la 1ère Armée Française

 

 

 

 

 

 

 

écrit à De Gaulle en décembre 1944.

 

 

 

 

«D'un bout à l'autre de la hiérarchie et particulièrement chez les Officiers, même de haut grade, l'impression est que la Nation les ignore et les abandonne. Certains vont même jusqu'à s'imaginer que l'armée régulière venue d'Outre-mer est sacrifiée de propos délibéré...

 

La cause profonde de ce malaise réside dans la non-participation apparente du pays à la guerre...

 

Le combattant venu d'Italie ou d'AFN voit ses camarades tomber autour de lui sans que jamais un Français de France vienne combler les vides causés par la bataille...»

 

 

 

La 1ère Armée Française - Rhin et Danube

Raymond MUELLE

Ed. Presses de la Cité 1991

 

 

 

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27°

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

 

 LIVRES

 

 

    - LE 2ème CORPS ATTAQUE ... René Chambe. Flammarion ,1948.   Pages 108 à 114.

    - LIVRE D'OR 1939-1945. LYCEE GOURAUD, Rabat.

        Ed. 1949: pages 94 à 96. Texte de M. Lusinchi, prof. d'Histoire-Géo.

        Ed. 2000: pages 63 à 69.

    - SIGOLSHEIM.  Ed. Alsatia, Colmar. 1958.   Pages 61.62

    - LEUR SACRIFICE NOUS A PERMIS DE VIVRE. Henri Hobel. Ed. 1994.    Pages 71 à 74. 167. 190. 191. 211 à 213.

 

 

 BROCHURES

 

 

    - JOURNAL DES MARCHES ET OPERATIONS  du 1er REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE. Campagne 1944 - 45.   Pages 58 à 63. 168.

    - LE 1er REGIMENT DE CHASSEURS D'AFRIQUE 1832-1964. Presses de la S.D.R.R. de l'E.M.I. le 10 janvier 1964.   Pages 90.91.126...

    - JOURNAL DE ROUTE DE LA 5ème D.B

 

 

 BULLETINS

 

 

    - LE MAROC CATHOLIQUE: N° 3, mars 1946  et  N° 11, novembre 1946.

    - UBIQUE PRIMUS Bulletin du 1er RCA. N° 3 du 15 mars 1946.  Pages 2 à 4

    - E.A.I. INFORMATIONS  (Bulletin de l'Ecole d'Application de l'Infanterie. Montpellier). Juin 1978.

    - AMICALE DES ANCIENS DU 1er RCA. 

           Bulletins de liaison  N° 16, 4ème trimestre1998.  Pages 10 à 12.

           N° de  juin 2000---- N°  22 du 2ème trimestre 2001 …N° du 14.12.2003.

    - SALAM (Bulletin de l'Association des Anciens des Lycées du Maroc) N° 133, mars 2000.  Pages 6 et 7.

    - LE CARABINIER (Bulletin mensuel de l'EAABC Ecole d'Application de l’Arme Blindée Cavalerie. Saumur).  N° 7  Juillet / Août 1998.  Pages 1-2.

    - Plaquette - "Promotion Aspirant Camille Girard" EAABC Saumur.

 

 

  JOURNAUX

 

 

-    L'ECHO DU MAROC du 08/04/46 et du 05/11/49

-    LES DERNIERES NOUVELLES DU HAUT RHIN du 12/12/45, du 18/12/45 et du 19/07/49

-    LE NOUVEAU RHIN FRANÇAIS du 18/12/45

-    LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE du 06/02/85, du 06/12/94 et du 20/12/94.

-    LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE, Numéro spécial de janvier 95, LA LIBERATION DE COLMAR, page 19

-    MIDI LIBRE du 20 mai 78

-    LE COURRIER DE L'OUEST du 31 mai 98

-    LA NOUVELLE REPUBLIQUE du 2 juin 98

-    L'ALSACE  du 29 octobre 98

-    SUD-OUEST du 8 juillet 2003

-    JOURNAL DU MEDOC, du 18 juillet 2003

 

 

  BIOGRAPHIE

 

 

-    Livre de 120 pages, avec photos et cartes, version complète dont est tiré le document présent sur ce site.

     Sur commande. Contacter :

     gus.girard@orange.fr

 

 

  SITES AMIS. LIENS.

 

-    www.emicherchell.com/mpf/aspirants.html  (site de l'ANCCORE, Amicale des Anciens de Cherchell)

-    www.lyceefr.org/aaegd/gouraud/livredor/livredor.htm